Il est 8 heures quand le réveil sonne. Je râle, l’arrête d’un revers maladroit de la main et je me retourne en grognant de plus belle. À vrai dire, je suis juste morte de trouille. Aujourd’hui, je ne prends pas le train avec les autres élèves, mais celui du quai d’en face, qui m’enlève vers la ville Lumière. Migrations pendulaires auxquelles je suis habituée. C’est toujours les mêmes gens. Celui qui regarde impatiemment sa montre dans son costard cravate. Celle qui s’est mal réveillé, sûrement après un after-work un peu trop alcoolisé… Et puis là il y a moi, qui ne peut m’empêcher de me recoiffer dans le reflet de la vitre. Terminus, Paris Montparnasse. Pas pressés dans le métro, ça se bouscule –poussez-pas-il-y-aura-de-la-place-pour-tout-le-monde, oh-non-pas-les-contrôleurs, bonjour-messieurs-dames-excusez-moi-de-vous-déranger- ce genre de choses. Ronron familier de ceux qui ont franchi le périph’. Je me perds une dizaine de fois avant de trouver la petite porte, dans une cour abritée par d’imposants escaliers. Une jeune femme se dirige alors vers moi, un sourire bienveillant aux lèvres. La fameuse Valentine : bien plus jeune que je ne l’imaginais, à vrai dire !
Rencontre des autres lauréates : sourires gênées, fou rire nerveux. Nous devons « dédicacer » aux membres du jury. Écriture maladroite, tournures un peu gauches, manque d’inspiration. Certains se contenteront d’un « bonne lecture ». Nous ne pouvons nous empêcher d’admirer le recueil, de sentir sa couverture de livre neuf, d’écouter le froissement des pages qu’on tourne. Le photographe arrive déjà : nous devons nous prêter chacune notre tour au difficile exercice du modèle. Nous aimons écrire, pas poser ! Heureusement que le photographe sait nous mettre à l’aise. L’heure du repas sonne déjà : nous dégustons de délicieux plats méditerranéens en compagnie de toute l’équipe. Après une interview filmée, il est déjà temps de s’habiller. Imaginez-vous six jeunes filles joliment endimanchées sur les pavés parisiens de Saint-Michel.
Arrivées à Gibert-Jeune, nous rencontrons les lauréats, venus nous soutenir et eux aussi avoir leurs dédicaces ! Après avoir échangé, écrit et souri à une foule d’inconnus, il est l’heure de se rendre au moment fort de la journée : la cérémonie à l’hôtel de ville. Le stress est à son comble, nous savons que nous attends notre « discours ». Le décor du bâtiment est magnifique, l’ambiance impressionnante. Nous rencontrons les membres du jury et nos familles respectives qui nous ont rejoints. C’est Anne Hidalgo et Erick Orsenna qui ouvrent la cérémonie. Ensuite, nous sommes appelées l’une après l’autre sur scène pour la remise du diplôme. C’est deux anciens lauréats qui, d’un sourire rassurant, nous accueille sur scène et nous pose la fatidique question sur notre nouvelle. Nous bredouillons une réponse tant bien que mal, émues face à une si grande assemblée. Jean d’Ormesson fait son entrée, pestant sourire en coin contre le nouveau projet des quais de Seine de la maire de Paris.
Une fois le discours terminé, nous n’attendons qu’une chose : le buffet et ses fameux macarons. Malheureusement, il faut encore attendre, prendre des photos et signer des livres. Dure vie de célébrité ! Les macarons sont à la hauteur de nos espérances. Nous avons le privilège de discuter personnellement avec le jury ainsi qu’avec certains journalistes venus pour l’occasion.
La salle se vide quand la soirée avance. Les lauréats, rassemblés sous la houlette de Manon, Pierre Francois et Paul, se décident enfin à partir et nous nous dirigeons tous ensemble chez Anne-Elise.
L’after est plus que convivial ; assis dans sa petite chambre étudiante, nous échangeons recueil, parlons études et mangeons pizzas et bonbons.
À 23 heures, il faut m’échapper, un contrôle de mathématiques m’attend le lendemain. Dur retour à la réalité après une journée de conte de fée.
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