Peut-on raconter l’irracontable ? Peut-on raconter ce qui s’est passé pendant une journée tellement irréelle qu’elle a surpassé toutes nos espérances, alors même qu’on l’avait rêvée des dizaines et des dizaines de fois ? A-t-on des mots qui peuvent retranscrire avec justesse l’appréhension mêlée à la hâte des jours et des nuits qui ont précédés ou l’espérance que l’on place lorsque l’on entoure de rouge la page du 3 novembre dans son agenda et la peur et le stress qui augmentent bien au-delà de ce que l’on croyait possible tout au long de la journée ? Peut-on retranscrire rien qu’avec des mots cette impression de vivre un rêve bien trop réel, de s’être perdue dans la journée d’une autre, une journée où tous ceux que l’on rencontre sont formidablement intéressants et d’une gentillesse sans égal et une journée ou être suivie par un photographe professionnel, faire des dédicaces, des interviews, ou encore se retrouver à l’hôtel de ville de Paris passent pour des évènements totalement normaux aux yeux de tous.
Je ne pense pas être capable de ça, mais je peux néanmoins essayer de donner un bref aperçu de ce que fut cette journée pour moi. Le jeudi 3 novembre 2016, au lieu de me rendre à mon arrêt de bus habituel, ce matin-là, j’ai pris la direction de la gare. S’en sont suivies trois heures de TGV vers Paris, tandis que mes amies mulhousiennes rentraient en cours. Incapable de lire, de réfléchir à ce que j’allais bien pouvoir dire, à ce que j’allais bien pouvoir trouver à écrire dans les dédicaces, à ce que ça me ferait de voir enfin mes mots à moi imprimés sur un beau papier neuf, à ce à quoi ressembleront les autres candidates, ces filles à qui j’ai envoyé des messages tout l’été mais dont je ne connais pas les visages. Le train arrive bien plus tard que prévu à destination et je suis largement la dernière des six à pousser la porte de l’intriguant bureau des éditions Héloïse d’Ormesson. Sans me laisser le temps de comprendre ce qui se passe, je me retrouve embarquée avec les cinq autres lauréates et un photographe pour une séance photo dans les arènes et les rues alentours. Un peu timide au début, et gênée face à l’objectif, je découvre vite Clara, Ysaline, Estelle, Irène et Solène, tandis que discussions passionnantes et fous rires s’enchaînent. Vers une heure de l’après-midi, affamées, nous retournons aux éditions où nous discutons de la suite du programme, de nos différentes participations ou encore des parcours professionnelles des différents membres des éditions tout en se régalant d’houmous, de salades diverses et variées et de succulents macarons. Après le repas, nous devons nous organiser : pendant que Ysaline, Solène et Estelle se font interviewer et filmer par Lecthot, Clara, Irène et moi filons nous changer dans ma chambre d’hôtel. Après un rapide enfilage de robes et autres chaussures à talons, c’est à notre tour de passer devant la caméra. Je rédige ensuite les dédicaces pour les membres du jury que je n’avais pas encore pu faire à cause de mon retard de train, et nous discutons tranquillement entre nous. Mais l’heure des dédicaces approche et les rues de Paris résonnent bientôt sous le bruit de nos talons pressés et de nos rires à la fois de joie et d’appréhension. La librairie Gibert Jeune est un paradis, mais pas le temps pour nous de flâner entre les rayons, nous nous empressons de nous aligner derrière notre table, stylo à la main. Quelques anciens lauréats passent voir les têtes « des nouvelles » et discutent un peu avec nous, nous parlons du prix à quelques clients intrigués et, bonnes joueuses, nous dédicaçons un exemplaire à notre rivale Enjoyphénix après quelques plaisanteries et fous rires.
Les monuments de Paris ont déjà revêtu leurs éclairages nocturnes lorsque nous sortons de la librairie. Solène et moi, sous le charme, ne cessons de nous extasier et de mitrailler tout ce qui nous entoure en tant que seules « provinciales » du groupe. Mais lorsque nous arrivons à l’Hôtel de Ville, je me rends compte qu’il dépasse en taille, en dorures, en tapis rouges, en miroirs et en escaliers titanesques tout ce que j’avais imaginé, et le stress monte tandis ce que la salle se remplit peu à peu. Et il s’accentue encore après les discours : pas évident de passer après ceux qu’ont fait Anne Hidalgo, Eric Orsenna et la mère de Clara. Chacune notre tour, nous passons au micro pour répondre à une question de Marion ou de Pierre-François, deux anciens candidats tellement sympa avec nous qu’ils nous ont même laissé lire les questions avant ! Nous répondons du mieux que possible puis recevons les traditionnels « certificats » ornés d’un beau ruban écarlate tandis que les anciens lauréats se joignent à nous pour les photos de groupe. La soirée se poursuit, nous ne savons où donner de la tête entre les photos, nos familles, les interviews, les autres lauréats et un buffet qui nous fait de l’œil. Et lorsque la salle se vide vient le temps de l’« after » spéciale « clariens », où nous nous retrouvons avec les anciens lauréats, entassés dans un salon discutant, attablés devant des pizzas et des bâtonnets de carottes, le tout dans une superbe ambiance.
Et voilà comment je me retrouve dans l’ascenseur de l’hôtel, seule, après que les portes se soient refermées sur Solène et les gentils anciens qui ont bien voulu nous raccompagner. Seule avec mes pensées qui me disent que c’est comme ça, que ma journée se termine, alors que la logique aurait voulu qu’à ce même instant je me trouve cinq cent kilomètres plus loin, assoupie dans mon lit après une harassante journée de cours. Et là, dans cet ascenseur à une heure du matin, je me dis que, comme Cendrillon, j’ai eu le droit à ma journée magique et inoubliable dans la peau d’une starlette, mais que moi au moins j’ai eu une heure de bonus.
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