J’ai commencé à participer au Prix Clara quand j’avais quatorze ans, avec un vif espoir que je pourrais gagner. La deuxième année, j’avais appris de mes erreurs et réessayai avec autant de motivation. La troisième nouvelle que j’envoyai était surtout une nouvelle qui me plaisait, mais j’imaginais bien qu’elle ne serait pas suffisante. La quatrième fois, je n’envoyai ma nouvelle que par habitude, histoire d’aller au bout des choses. C’était ma dernière année, je n’avais rien à perdre. Et je n’ai absolument rien perdu. L’espoir avec lequel j’étais partie s’était estompé avec les années, mais à l’approche de début juillet, j’attendais ce mail qui m’annoncerait le résultat. Pas de mail, mais un coup de téléphone. Le premier qui me fit couler des larmes de bonheur.
Au bout de quatre mois, le 3 novembre, le jeudi de la rentrée, je ne me rendis pas en cours comme mes camarades, mais à Paris. Je pris le bus, puis le train, deux métros, et alors que je devais juste traverser une rue, je suis partie à l’opposé. Qu’aurait été cette journée sans me perdre au moins une fois ! Mais je n’étais pas la dernière à arriver. Ce fut un grand moment que celui de rencontrer mes co-lauréates avec qui je discutais depuis le mois de juillet sur les réseaux sociaux. Première surprise : il fallut signer des exemplaires pour chaque membre du jury, exercice bien plus difficile qu’il n’y paraît. Nous nous sommes regardées dans les yeux, un peu perdues pendant quelques minutes, avant de chacune se trouver une « phrase-type » pour toutes les signatures de la journée (en changeant l’ordre des mots évidemment, pour faire plus spontané).
Après l’arrivée de Zoé, nous sommes parties avec le photographe pour cette séance photo emblématique. Si les clichés sont géniaux, il est tout de même bon de préciser que c’était encore une fois un exercice nouveau : sourire longtemps sans avoir l’air figée, se retenir de rire en sentant le regard des autres sur soi, et surtout les mises en scène loufoques (la photo dans le buisson est mémorable). Ce fut surtout le moment idéal pour apprendre à se connaître davantage.
Durant le repas (ayant pour dessert des macarons !), nous avons découvert quelle question nous serait posée à chacune lors de la cérémonie. J’ai bien dû mettre dix minutes avant de trouver une réponse convenable. Je n’ose même pas imaginer ce qui se serait passé si on m’avait posé cette question au dernier moment. Après manger, Irène et moi avons retrouvé Zoé dans la chambre d’hôtel pour revêtir la tenue que l’on porterait lors la cérémonie. Et nous avons enchaîné sur une interview. Encore une expérience impressionnante lorsqu’on n’est pas habitué à être le centre de l’attention.
L’essentiel de l’après-midi était destiné à la signature chez Gibert Jeune. J’avais tant rêvé de me trouver de l’autre côté de la table, avec un stylo à la main pour signer un livre dont je ferais partie. Nous y avons notamment rencontré des anciens lauréats, et à peine après leur avoir dit bonjour, ce fut comme si nous avions toujours fait partie de la grande famille du Prix Clara. Quel sentiment exceptionnel que j’attendais depuis des années !
Au bout d’une heure et demi passée décidément trop vite, nous avons pris le chemin de l’hôtel de ville. J’ai longtemps essayé d’imaginer sa beauté et sa grandeur, mais on ne s’en rend réellement compte que lorsqu’on est à l’intérieur. Les peintures, les marches en marbre, le tapis rouge. Une photo de groupe en haut de l’escalier encore désert avant l’arrivée des invitée. La salle de la cérémonie, vide, qu’on s’approprie. La scène, le buffet, l’Actu que l’on n’a pas encore vu. Et l’arrivée du jury, des familles. Anne Hidalgo prend la parole, puis Erik Orsenna, et voilà qu’on nous appelle pour cette question qui me terrorise depuis plusieurs heures. Comme par hasard, je suis la première. Je regarde la foule, ma famille, fière, me prend en photo. Je parle, je bégaie, mais je me rends compte que ce rêve qui mûrit en mois depuis trois ans s’est enfin concrétisé. Je laisse la place à Zoé. Gérard, notre photographe, me prend en photo. L’aisance d’Ysaline m’impressionne, et je me sens ridicule par rapport aux autres. Mais peu importe. Ce livre, nous l’avons toutes les six écrit sans nous connaître. Et il fait partie d’un tout qui nous appartient. Nous ne sommes pas six lauréates. Nous sommes l’Auteure du Prix Clara 2016.
La cérémonie se termine par une grande série de photos avec différents invités, le jury, et j’en passe. Puis nous nous jetons sur le buffet. Et oui, nous avons eu les macarons. Plein de macarons. On vient nous féliciter, une par une, on nous demande encore beaucoup de dédicaces. Et lorsque la salle commence à se vider, que nous devons partir à l’After organisé par les anciens lauréats, nous dérobons les posters du Prix accrochés au mur, pour avoir un dernier souvenir. Le souvenir de cette journée qui fut la plus belle de ma vie.
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