Propos recueillis par Jean-Claude Perrier, Le Figaro du 21/07/2008
Photo Jean Jacques Ceccarini
Née parmi les livres et les écrivains, la fille de Jean d'Ormesson s'est senti très tôt une vocation d'éditeur. Afin que son nom ne constitue pas un écran, elle a fait ses débuts aux États-Unis, avant de rentrer en France. En 2005, elle fonde sa maison, avec son compagnon Gilles Cohen-Solal, ancien représentant chez Robert Laffont. Avec comme idée de publier de la fiction française et étrangère de qualité, de découvrir de nouveaux auteurs et de lancer chacun de ses livres « à l'anglo-saxonne ». Elle a aujourd'hui publié soixante-dix titres, au rythme d'une vingtaine par an, et la maison s'est constituée une identité forte, avec comme slogan « la petite qui a tout d'une grande ». La preuve : en 2007, elle a inscrit à son catalogue un certain Jean d'Ormesson, avec Odeur du temps, un recueil de chroniques littéraires, son best-seller jusqu'à présent.
LE FIGARO. Est-ce que c'est le fait d'être la fille de Jean d'Ormesson qui a déterminé votre choix de carrière ?
Héloïse
d'ORMESSON. Oui et non. Très jeune, après avoir voulu être patineuse ou
infirmière, je me suis senti une vocation d'éditeur. Chez mes parents,
il y avait des bibliothèques du sol au plafond, remplies de livres, et
j'ai été très tôt fascinée par l'objet-livre.
Vous n'avez pas été tentée de devenir écrivain, comme ceux qui venaient chez vous ?
Absolument jamais ! J'aurais été trop écrasée par la figure paternelle. Le premier écrivain que j'ai connu, c'est mon père.
Pourquoi être partie faire votre apprentissage aux États-Unis ?
Afin
d'éviter le sérail parisien, que le mot « népotisme » puisse être
prononcé à mon sujet. J'ai effectué mon premier boulot pour des gens
qui ignoraient qui était Jean d'Ormesson. Ensuite, j'ai mené ma
« carrière » par mon propre travail, et non grâce à mon père, qui n'est
jamais intervenu dans mon parcours professionnel, ni chez Laffont, ni
chez Flammarion, ni quand j'ai rejoint le groupe Gallimard.
Quand vous avez décidé de créer votre propre maison, comment a-t-il réagi ?
Il
m'a soutenue psychologiquement, mais c'est tout. Il ne m'a pas promis
quoi que ce soit. Je n'ai pas créé cette maison pour publier Jean
d'Ormesson ! J'adore mon père, je le respecte infiniment et je l'admire
en tant qu'écrivain, mais je voulais exister par moi-même et non pas en
tant que « fille de »…
Vous avez pourtant décidé que votre maison porterait votre nom, et donc le sien ?
Ce
n'était pas le cas au départ. La maison devait s'appeler H2O. Et puis
notre ami Alain Carrière, le mari de l'éditrice Anne Carrière, nous a
conseillé de ne pas nous priver du nom de d'Ormesson, de sa notoriété.
Nous avons suivi ce conseil. J'ai pris conscience qu'un nom peut être
aussi une marque, et qu'il me fallait assumer dans ma vie
professionnelle cette « part d'Ormesson » qui me complexait au début.
Sans me mettre en avant, je ne me cache plus.
Quelle était votre idée de départ quand vous vous êtes lancée ?
Nous
voulions découvrir des auteurs, publier de la fiction romanesque,
française ou étrangère, de qualité mais pas élitistes, et soutenir tous
nos livres avec les méthodes de marketing « à l'anglo-saxonne » : une
identité graphique forte, beaucoup de promotion en librairie et de
publicité. Cela a un peu évolué depuis 2005 : nous publions aussi des
documents, et des auteurs confirmés nous ont rejoints, comme Pierre
Pelot ou Lucia Etxebarria.
Votre maison s'est forgé très vite une identité forte, avec un côté presque familial ?
Tout
à fait. Les Éditions Héloïse d'Ormesson doivent être le meilleur
endroit possible pour nos auteurs, qui y sont entourés, accompagnés,
soutenus. Quant au côté familial, c'est une réalité : nous avons mis à
la disposition de nos auteurs étrangers ou provinciaux un appartement
au 87, boulevard Saint-Michel, sur le même palier que nos bureaux, où
ils résident lorsqu'ils sont de passage. Huit d'entre eux, d'ailleurs,
Richard Andrieux, Raymond Clarinard, Abha Dawesar, Luke Davies, Eric
Genetet, Catherine Locandro, Roman Rijka et Tatiana de Rosnay, ont
écrit une nouvelle dont l'appartement est le personnage principal. Nous
en avons fait un recueil, Dernières Nouvelles du 87, offert
actuellement par les libraires à tout acheteur de deux volumes des
éditions.
Quelques autres caractéristiques de votre maison ?
Nous
sommes petits et totalement indépendants. Outre Gilles Cohen-Solal et
moi, nos actionnaires sont mes parents et trois amis d'enfance. Nous
sommes sept salariés permanents, et publions une vingtaine de titres
par an. Notre politique, c'est publier moins pour publier mieux. Et
nous souhaitons demeurer petits.
Vous avez quand même fini par publier un livre de votre père ?
Oui,
en mai 2007, Odeur du temps, un recueil de ses chroniques parues dans
Le Figaro Magazine, littéraires et non politiques, choisies par moi.
J'étais très hésitante sur ce projet, mais c'est ma mère Françoise qui
m'y a encouragée. Je ne voulais pas mettre en péril la relation
privilégiée que j'ai avec mon père, à cause de frictions entre un
auteur et son éditeur, souvent inévitables. Avec un recueil de
chroniques, c'était plus facile.
Résultat ?
Ça,
c'est très bien passé, nous ne nous sommes pas disputés, et ce livre
est jusqu'à présent mon best-seller, avec environ 100 000 exemplaires
vendus.
Allez-vous récidiver ?
Il y aura sûrement un Odeur du temps II, mais je reste très prudente à ce sujet.
Vos prochaines nouveautés ?
En 2009, nous publierons par exemple Pierre Pelot, Carla Del Ponte, Tatiana de Rosnay, un autre livre de Benazir Bhutto…
Quel premier bilan tirez-vous de votre expérience d'éditeur ?
Je
suis consciente de ma chance, de mes privilèges. Ça a été beaucoup plus
facile pour moi que pour d'autres. Mais à chance égale, réussir dans
l'édition est plus difficile pour une femme, parce qu'on nous propose
peu de postes de direction. C'est pourquoi nombre de femmes ont fondé
leur maison, avec leur mari, mais ce sont elles qui leur ont donné leur
nom. C'est quelque chose d'assez nouveau en France.
non, cela ne va pas être possible!
La star c'est Héloïse...
Moi je ne suis pas pieds nus sur un bureau, je suis nu dans mon bureau!
Bonnes vacances quand même...
Mais jamais de photos j'ai horreur de ça!
GCS
Rédigé par : Gillou le Fou | 27 juillet 2008 à 13:00
Je me suis souvent demandée si Jean d'O était aussi bon et gentil qu'il en avait l'air, et grâce à ce blog, je me suis rendue compte que oui.
Rédigé par : Squatteuse | 23 juillet 2008 à 20:10
ouais mais est-ce que gilles pourrait aussi se mettre pieds nus sur son bureau pour que je puisse venir prendre la photo (j'ai dit : que pieds nus!)
Bises à tous les deux
Rédigé par : ton auteur | 22 juillet 2008 à 11:41