03 septembre 2007
Une invitée malgré elle...mais bienvenue!
J'aime beaucoup Alice Ferney.
Elle le sait et elle sait aussi que j'ai très envie de la publier, comme un certain nombre d'autres auteurs français.
Ce qui le différencie, un peu, de ses confrères c'est qu'elle n'hésite pas à parler des livres des autres et à en dire ce qu'elle en pense...
Souvenez vous il y a plus d'une semaine j'avais dit que le précédent roman d'Olivier Adam s'appelait "Falaises" mais que le nouveau pourrait s'appeler"Fadaises"...
Je suis ravi qu'une auteure aussi talentueuse qu'Alice vienne le confirmer via les colonnes du Figaro que je pille ici une fois de plus et avec allégresse!
Le prochain billet sera consacré( l'un des prochains en tout cas) au dernier livre de Philippe Claudel, le "Rapport de Brodeck".
Juste une chose , je l'ai lu dans la nuit de vendredi à samedi (Héloïse n'était pas là...!) et c'est assez exceptionnel. Autant "La Petite fille de Mr Linh" m'avait un peu laissé sur ma faim , et je ne dis rien du dernier que je n'avais pas aimé, autant celui là est à mon avis supérieur aux "Âmes grises".
C'est dire, donc c'est dit!
L'invitée : Alice Ferney
Olivier Adam, hélas, dans l'air du temps
Olivier Adam s'intéresse aux personnages qui sombrent. À ceux qu'un deuil (à l'origine) et la vie difficile (tous les jours) finissent par abattre, après qu'ils auront fait un petit détour (romanesque) par la folie, et après une de ces jeunesses où l'on va le samedi soir danser, boire et faire l'amour à l'arrière des voitures. C'est le cas de Marie, héroïne et narratrice d'À l'abri de rien : elle a perdu sa soeur (autrefois), plus tard son emploi de caissière. Maintenant au chômage, elle s'ennuie chez elle, néglige les chemises de son mari, oublie le cours de tennis de son fils, manque d'argent et en dépense, bref se tient en équilibre au bord d'un gouffre intérieur dans lequel on apprend qu'elle est déjà tombée. C'est la récidive d'une dépression grave : le désamour de soi et de la vie. Voilà où la cueille Olivier Adam, dans ce temps noir d'un milieu de vie sans flamboiement, dans le lotissement entouré d'une zone commerciale, aux confins sinistres d'une ville du Nord d'où les émigrés clandestins passent en Angleterre.
C'est l'argument nouveau : dans Falaises, l'amour et la paternité ramenaient le héros vers la lumière, ici ce sera l'aide humanitaire. Marie découvre le noeud douloureux de l'immigration clandestine, dont Olivier Adam nous livre une sociologie et une psychologie : destins tragiques, police brutale, voire sadique. S'occuper du monde peut guérir de soi-même. Mais ceux qui aident dépendent alors de ceux qu'ils aident. C'est à ce paradoxe qu'arrive Marie qui, pour servir la soupe aux réfugiés, oublie ses enfants et délaisse sa maison. Il ne faut pas raconter l'issue. En résumé : on ne sort pas de la dépression par l'aide humanitaire. On ne part pas. On ne fait pas la grève d'être soi.
À travers ce portrait de femme, Olivier Adam pourrait nous offrir un roman psychologique, réaliste et populiste. Hélas, il n'y réussit pas. Sans doute en fait-il trop, la voix chante faux. Bien sûr on croit parfois être ému. Pour tout dire, on s'y oblige : tant de tragique force la compassion. Le romancier est seul mis en cause : la matière de son texte et l'écriture font « fabriquées ». Bien sûr les Marie de banlieue ne parlent pas comme Chateaubriand, et depuis Faulkner le vrai grondement de la vie autant que le langage parlé ont fait irruption dans le roman. Mais faire dire « putain » à une femme déprimée ne suffit pas à la faire exister. Surtout quand l'auteur se mêle de prendre sa place, modifie à volonté son intelligence et sa lucidité, et lui donne des clairvoyances improbables et incohérentes avec le sociotype qu'il nous a proposé. L'esprit critique du romancier populiste s'est glissé dans son personnage : ces salauds de la grande distribution ou de la banque, cette « merde » de Voici et ces « conneries » à la télé avec Jean-Pierre Foucault. Marie n'est dupe de rien, ne s'en laisse conter par personne, a conscience des violences perfides faites aux plus démunis. On peine à y croire. On n'y croit plus lorsqu'elle commente avec distance cette maladie qui la détruit, l'allure de son salon, « comment ça a commencé et combien de temps ça a duré ».
Olivier Adam qui, alors, devrait être le narrateur omniscient, s'emmêle à son personnage : cela donne du « ça, ça, ça ». Avec ça, nous serons servis de quelques déclarations générales censées faire une vision du monde : « On ne se remet jamais de rien, la vie est une merde, rien ne nous distingue vraiment les uns des autres, on ne se connaît pas », etc. C'est toujours un peu vrai, un peu faux, et déjà écrit. Pour finir, quand il frotte sa plume à l'actualité des sans-papiers, c'est un peu de Madame Royal contre Monsieur Sarkozy. C'est généreux et démagogique. Au fond, À l'abri de rien est un roman dans l'air du temps, peu écrit, peu senti, plein de bons plutôt que de vrais sentiments, à l'image de la quatrième de couverture qu'a rédigée son éditeur.
À l'abri de rien d'Olivier Adam Ed. de l'Olivier, 219 p., 18 € .
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