Bon il faut en parler.
Pas par obligation mais parce que ce livre est très intéressant.
D'abord le sujet est intéressant, voir passionnant.
Et puis il y a la manière dont il est traité, une écriture novatrice impliquée et distante.
Je dirais que c'est un très bon livre comme je l'ai dit à Térésa Crémisi, je suis admiratif de la façon dont Y.Réza a procédé.
Il y avait deux possibilités:
1) une baudruche qui se dégonfle à la page 12
2) un livre qui vous tient en haleine et que l'on a envie de finir, de découvrir
C'est la deuxième possibilité qui est conforme à la réalité.
Je vais vous faire un aveu: après l'avoir lu, je l'ai relu et là j'y ai trouvé des choses intéressantes et inédites.
Tant sur le sujet que sur la maniére de le traiter.
Je pensais à un coup marketing, non ce n'est pas cela.
C'est un coup littéraire et il est parfaitement réussi.
Les avis sont bien sûr partagés, à mon avis plus en raison du sujet que de la qualité intrinsèque du livre.
Le grand talent de l'auteure est d'avoir su écrire dans une langue et avec un style qui sont en parfaite adéquation avec ce que l'on sait ou que l'on devine du sujet.
Bien entendu vous lirez après les critiques de P.Lançon de Libération, de F.Nouchi du Monde et de G.Tabard du Figaro.
Chacun a une lecture différente et personnelle.
je crois que ce sont nos avis qu'il est important de comparer mais surtout il faut découvrir ce nouvel exercice de littérature en "temps réel".
Un livre qui, à l'image de son auteur et de son sujet, est très diférent de ce qui que l'on avait lu jusqu'ici...
Evénement
Yasmina Reza, portrait gâché de Sarkozy
Dans «L’aube le soir ou la nuit», l’écrivain met en scène sa rencontre avec le candidat.
L’aube le soir ou la nuit de Yasmina Reza Flammarion Albin Michel, 186 pp., 18 euros. (en librairie le 24 août).
L’historiographie des Grands est un métier délicat et symptomatique Descendons les marches : Louis XI eut Commynes ; Louis XIV, Racine ; D Gaulle, Mauriac. Nicolas Sarkozy a Yasmina Reza. L’auteur d’ «Art» et de Dans la luge de Schopenhauer a suivi le futur président pendant l’année de campagne, jusqu’à son élection. Son livre, L’aube le soir ou la nuit, tient chronique de cette aventure : choses vues ou entendues, brèves conversations, méditations à pompe et mille fois lues sur le pouvoir, la volonté, la solitude, le temps, etc. Le titre donne le ton. Il vient de la page 126 : «Il n’y a pas de lieux dans la tragédie. Et il n’y a pas d’heure non plus. C’est l’aube, le soir ou la nuit.» On est au club des médailles - hommes et phrases.
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Fascination. Avant d’être un portrait par saynètes du futur président, le livre est la mise en scène explicite d’une rencontre au sommet : toi Nicolas, moi Yasmina, et la jungle à nos pieds. Qui des deux héros fera plier l’autre ? A la première page, un ami dit à Reza : «De toute façon vous l’inventerez. Les écrivains ont en commun avec les tyrans de plier le monde à leur désir.» On s’y croit, chez ces gens-là. A la page 144, Sarkozy enchaîne : «Si je n’existais pas, il faudrait m’inventer.» CQFD. Les nuances sont des nuages inutiles. Le talent qu’on s’attribue ne paraît vivre que pour justifier l’admiration qu’on s’accorde. La vanité et une fascination burlesque pour le succès sont les obsessions de l’ouvrage - malgré lui. Dans un dîner, Alain Minc dit à l’auteur : «Vous avez le choix entre être amoureuse ou être ambitieuse.» Reza semble à la fois ambitieuse et amoureuse d’elle-même - ou de l’image qu’elle en donne. Son enfance est évoquée une fois. Il est aussi question de sa relation intime avec un homme politique célèbre, nommé «G». C’est une contre-épreuve de Sarkozy, un type qui ne veut pas tout à fait de son destin. Elle en parle comme d’un «génie de la distraction» et le livre lui est dédié.
D’un bout à l’autre, Reza lit des poèmes stoïques de Borges. Elle ne cesse de relever le menton, d’afficher son orgueil : «Moi, écrit-elle, dont le regard se défend de la séduction première, scrute les formes invisibles, guette les dévoilements d’une matière secrète.» Elle appartient à cette catégorie d’écrivains qui croient que tout est neuf du moment qu’ils l’écrivent. Mais, sous le filet d’anecdotes, du bon journalisme qui caractérise bien son vide énergétique, le Sarkozy qu’elle dévoile est conforme au personnage trop commenté : un gosse intelligent, nerveux et impatient, qui nettoie son angoisse par une fringale d’action. Il se réduit tellement à sa volonté, et à la mise en scène de cette volonté, qu’il n’y a plus rien d’autre que ça. Respectant le «deal», Reza n’écrit rien sur Cécilia Sarkozy.
Le meilleur, ce sont les descriptions des corps, des paysages, des ambiances. Ici, l’écrivain renaît - enfin débarrassé des pesants jeux de miroir. Cela peut donner une sorte de vers qui rappelle la femme de théâtre : «La mort militaire a fabriqué du temps.» Ou ce croquis de la coiffure de Bouteflika, dont la rencontre avec le candidat UMP est l’un des bons passages : «Le front n’étant sans doute pas équipé pour le principe d’une raie, je peux apprécier le périlleux recouvrement du crâne, effectué à partir d’une séparation latérale de l’oreille droite à l’oreille gauche, par une broche intrépide et sans état d’âme.»
Sèche. Finalement, Reza est l’écrivain qu’il fallait à ce président-là : sèche, «burnée», teigneuse, dure à tout par principe, sans doute ni subtilité aucune, courte sur phrases comme il l’est sur pattes, elle retrouve en lui son propre refus du passé et sa ferveur sophistique : on n’est que le personnage qu’on décide de devenir. L’un et l’autre semblent des forcenés du lendemain et de l’oubli de la veille, des spécimens balzaciens et qui en font spectacle en toute occasion : vouloir est leur joie, leur rédemption. Les dernières pages sont naturellement pleines d’admiration pour le vainqueur. Ce pourrait être obscène ; ce n’est que sincère jusqu’au ridicule. A la fin d’ Illusions perdues, Vautrin dit à Rubempré : «Le monde, la société, les hommes pris dans leur ensemble, sont fatalistes. Ils adorent l’événement.» Ce livre adore l’événement qu’il met en scène et qu’il prétend être. Comme son modèle et comme ce monde, il se flatte et se barbouille de méthode Coué. Il devrait donc obtenir le succès qu’il s’annonce.
Philippe Lançon
Libération
Sarkozy en campagne, mis en scène par Yasmina Reza
LE MONDE DES LIVRES
Alain Minc l'avait prévenue lors d'un dîner : "Vous avez le choix entre être amoureuse et être ambitieuse." Tout aussi encourageant, Luc Ferry, le même soir, l'avait également mise en garde : "Ma pauvre, tu es rentrée dans une logique totalitaire, ton livre risque de manquer légèrement d'objectivité." Paroles d'experts !
Extraits
"A la fin de la garden party du 14 Juillet, il étreint Christian Clavier. Ils s'étreignent à la manière des acteurs. Fous de joie de s'aimer, de se désigner toi mon copain à la face du monde. C'est une étreinte que j'ai vue mille fois, sous toutes les latitudes, des acteurs qui ont à cœur de s'étreindre publiquement, ivres de leur prestation, de cette surhumaine chaleur et ce rire démonstratif." (p.11)
"– L'amour, c'est la seule chose qui compte.
– Je ne crois pas. Si on t'enlevait ta vie sociale, tu dépérirais.
– Si on m'enlevait ma famille, encore plus.
– Si on te mettait avec Cécilia et les enfants à Maubeuge, tu te jetterais dans la rivière.
– Je deviendrais le roi de Maubeuge en deux ans !" (p. 40)
"– Entre, Arlette, viens, viens !
Pendant un court instant, je crois qu'il invite Arlette Chabot à venir s'asseoir sur ses genoux. Le croit-elle aussi ? Elle parvient miraculeusement à s'immiscer entre lui et Jeanne-Marie, la plus jeune fille de Cécilia. Ils sont curieusement collés et elle s'efforce de rester droite.
– Dis-donc toi, lui dit-il, si tu souris pas après une émission pareille, quand est-ce que tu souris ?" (p.44)
"Dans le salon de l'hôtel, avant le meeting de Charleville-Mézières, il prend Le Figaro qui est sur mes genoux, visiblement attiré par un article.
En une, il y a le revers électoral d'Ahmadinejad et divers sous-titres dont son déplacement. En bas de page, à droite, une publicité.
Après quelques secondes d'attention, il dit : elle est belle la Rolex." (p.55)
"Mme Royal, est-ce qu'elle m'aide ? Ce n'est pas sûr. Ce n'est pas sûr que le fait d'être nulle soit forcément un handicap en France." (p. 85)
"Quelle potion lénifiante Nicolas Sarkozy et Henri Guaino ont-ils avalée pour écrire cinquante-trois fois le mot "amour" dans un discours d'à peine trente pages ? Pour écrire "La jeunesse c'est la promesse des commencements, des soleils qui se lèvent sur les mondes endormis" ? Quel état d'immense fatigue a pu les conduire à "ce formidable besoin d'amour qui doit faire marcher le monde" ? Sans mentionner les discrets pompons avec "Vous avez de la chance d'être jeune, parce que la jeunesse c'est la liberté" ou "Ne pas être capables de partager l'amour, c'est se condamner à être toujours seul". Que s'est-il passé pour que deux hommes, jusque-là heureusement inspirés ensemble, rédigent, faisant fi de toute retenue et lucidité, cette roucoulante homélie ?" (p. 111)
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Amour, ambition, objectivité, ces questions sont effectivement au cœur de L'Aube, le soir ou la nuit, le nouveau livre de Yasmina Reza. Comment d'ailleurs n'y seraient-elles pas vu le sujet : Nicolas Sarkozy.
Pas facile d'écrire sur un tel livre aussitôt après l'avoir lu. L'écriture, le style, la petite musique des mots de Yasmina Reza sont là, évidemment, d'emblée. "L'homme seul est un rêve. L'homme seul est une illusion."
Une femme va à la rencontre d'un homme et lui propose de l'accompagner, juste comme ça, pour l'observer, le connaître, le temps d'une campagne électorale.
Quoi de mieux pour rencontrer quelqu'un que de le placer dans une situation extraordinaire ? Porté, happé par l'événement, il ne s'appartiendra plus et, dès lors, tout de lui-même apparaîtra. Démarche d'écrivain.
Premier problème : trouver la bonne distance par rapport à son sujet. S'y tenir ou pas. Compliqué. Ces hommes, écrit Reza, "sans doute sont-ils fauves dans leur arène, ailleurs ce sont des animaux domestiques".
Comment le nommer ? Très vite, comme s'il ne lui avait pas laissé le choix, le "tu" s'imposera, et avec lui un simple "Nicolas". Tous les journalistes qui ont approché Sarkozy ont connu ce problème, et la plupart ont fini par céder.
Définir son projet littéraire ensuite. Reza n'est pas journaliste : ce n'est ni un journal de campagne à proprement parler, encore que ça y ressemble quand même beaucoup, ni une enquête. Ni un pamphlet, bien évidemment.
"Je ne cherche pas à écrire sur le pouvoir, dit-elle à un homme d'affaires rencontré à l'Hôtel Pierre, à New York. Je ne cherche pas à écrire sur le pouvoir ou sur la politique, ou alors sur la politique en tant que mode d'existence. Ce qui m'intéresse, c'est de contempler un homme qui veut concurrencer la fuite du temps."
A vrai dire, il la concurrence si bien, si radicalement, qu'il en devient enfant sous la plume de Reza. "Debout, mains croisées, attendant gentiment (…), j'ai l'impression de voir un petit garçon", écrit-elle en le regardant assister à une cérémonie à Palavas-les-Flots. Un autre jour, à Vesoul, Sarkozy écoute une petite fille avec un violon. "Il ne la quitte plus des yeux, il dodeline, il sourit comme un gosse frappé d'émerveillement. C'est le visage de lui que je préfère."
Subrepticement, leurs rapports changent, une complicité s'installe qui confine à la tendresse. Président élu, à son retour de Malte, il téléphonera à Reza : "Je voulais t'embrasser Yasmina. Je voulais te dire combien j'ai été heureux de ta présence pendant cette campagne. (…) Tu restes autant que tu veux."
Blair, Merckel, Zapatero, Bouteflika, elle le suit partout (ou presque). Prend des notes et rapporte, cisèle quelques moments savoureux. Aucune révélation, aucune analyse politique. Aucune fascination non plus. Elle serre son sujet – l'homme Sarkozy – comme un cinéaste qui ne tournerait qu'en gros plans.
Au risque d'ignorer ou de passer sous silence certains des grands acteurs de la campagne (Claude Guéant, Cécilia). L'entourage apparaît çà et là (une prédilection pour Henri Guaino, la "plume" du candidat); certains journalistes – Jean-Pierre Elkabbach lors d'une visite à Alger, il est là "en temps qu'amical témoin"; ou encore Charles Jaigu du Figaro et Philippe Ridet du Monde, chargés de couvrir la campagne, à qui Sarkozy lance un tonitruant : "Je suis quand même une source inépuisable pour vos articles de merde !"
D'une manière générale, d'ailleurs, Yasmina Reza excelle dans le choix des citations. Tout le vocabulaire "sarkozien" y passe. Ainsi le 22 avril, dans l'attente des résultats du premier tour. Il vient de raccrocher avec un sondeur : "Ces connards, on se fait chier à les gaufrer toute l'année, vous êtes dans le temporel, il faut mettre du spirituel, du spirituel, ces enculés ! Et maintenant ils veulent pas chiffrer, putain…" Quelque chose de Saint-Simon, assurément.
La victoire apparaît certaine. Reza n'aura pas sa tragédie, elle ne la souhaite d'ailleurs visiblement pas. Elle perçoit l'homme, sa "fragilité inattendue", son ambition, son côté "petit Napoléon" ivre de lui-même, avec une justesse, une acuité extraordinaires.
Reste l'homme amoureux. Il l'intrigue. Il dit à Reza, après avoir assisté à une représentation de sa pièce Dans la luge d'Arthur Schopenhauer, avoir retenu cette phrase : "Je m'efforce de redresser mon corps pour qu'il penche vers le tien, pourvu que tu déchiffres ce mouvement obscur, cette orientation d'angle infime…"
Elle en avait été touchée. Mais comment peut-il alors écrire dans Témoignage : "Aujourd'hui Cécilia et moi nous nous sommes retrouvés pour de bon, pour de vrai, sans doute pour toujours" ? Fine mouche, Reza note : "N'est-ce pas risqué de s'exposer ainsi, ne serait-ce que par orgueil."
Plus tard, elle retrouve dans ses cahiers cette phrase prononcée lors d'un déplacement du candidat : "Je ne peux aimer un paysage que si j'y suis avec quelqu'un que j'aime." "Formule vaine, écrit Reza. Comme toutes celles où il brandit l'étendard de l'amour. Il a ainsi, à sa disposition, une série de professions de foi bien calées, imitations de la pensée, auxquelles il finit peut-être par croire."
Durant toute cette période, un autre homme a partagé la vie de Reza. Un mystérieux "G". Le livre lui est dédié, elle l'évoque à plusieurs reprises sans dire qui il est. Un homme politique de gauche ?
Pour comprendre ce qui meut Sarkozy, Reza se servira finalement d'une formule de Mitterrand : "Pour accéder à la fonction suprême, il faut désirer, aimer, et enfin vouloir."
Elle ajoute :"Côtoyant Nicolas pendant des mois, je n'ai vu que le vouloir à l'œuvre. Le désir et l'attrait de la politique, principes vitaux mais qui n'engagent pas tout l'être, ne l'habitent plus. Ils ont constitué sa matière en une époque que je n'ai pas connue et dont il ne cesse d'exprimer le regret. Il est étrange de vouloir, à n'importe quel prix, au prix des plus grands renoncements, quelque chose qui n'existe plus et qu'on a cessé d'aimer. Déserté par les formes vitales, il reste le vouloir. Le vouloir comme résidu. Si puissant cependant."
Tout le livre est ainsi : lucide, maternant. Caustique, parfois cruel. Savoureux, surtout. Le petit garçon est devenu président. Visiblement, elle a éprouvé du plaisir à observer cette mue.
Elle le regarde partir en enfilant sa veste. "Il file. Il déguerpit. Je le vois marcher, de dos, se tourner pour un dernier signe, vérifiant les poches, le portable, disparaître dans l'embrasure en une claudication légère."
A déguster lentement, ligne à ligne…
Franck Nouchi
Dans Le Figaro
Nicolas Sarkozy sous le regard de Yasmina Reza
EXTRAITS : "Tu es content ? - Oui, Je suis content en profondeur, mais je n'ai pas de joie"
Face au futur président, un écrivain admiratif mais pas dupe
Cette chronique littéraire de la campagne présidentielle est l'événement de la rentrée éditoriale.
ŒUVRE littéraire ou essai politique ? Au terme d'une attente savamment orchestrée, L'Aube le soir ou la nuit, le livre de Yasmina Reza (1), est en tout cas assuré d'être le succès éditorial de la rentrée.
Héros de ce récit, Nicolas Sarkozy a reçu lundi le livre à la sobre couverture crème. Mais « il ne l'a pas encore lu », assurait hier son entourage, tandis que les premiers exemplaires seront demain en librairie, le jour même où le président franchit le cap des cent jours de son installation à l'Élysée.
Durant un an, l'écrivain, qui s'est rendu célèbre par ses pièces de théâtre (lire ci-dessous) a suivi le candidat victorieux dans sa campagne présidentielle. Le livre commence par le premier contact Place Beauvau, où le ministre de l'Intérieur accepte de jouer le jeu d'une totale transparence avec l'auteur. Et s'achève par un ultime rendez-vous à l'Élysée, dans un bureau où « j'ai enlevé des tas de trucs que Chirac avait laissés », confie le nouvel élu.
Plus qu'aucun journaliste ayant « couvert » la campagne, Yasmina Reza a partagé l'intimité du candidat, assisté à des rendez-vous, comme cet entretien avec le président algérien Bouteflika, participé à des réunions d'état-major, vécu les moments d'intimité avec les proches.
Parce qu'un an défile en moins de deux cents pages, L'Aube le soir ou la nuit ne prétend pas être un récit de la campagne présidentielle. De nombreux livres de journalistes l'ont déjà racontée en détail, avec une approche plus strictement politique. Enchaînant confidences, saynètes et impressions personnelles, la dramaturge cherche avant tout à percer le secret d'un « homme qui veut concurrencer la fuite du temps », comme elle l'écrit.
Chirac : «convenu et démodé»
L'intérêt de ce livre pour la chronique politique est que son « pacte » avec Sarkozy permet à Reza de reproduire des propos qu'il tient fréquemment devant ses interlocuteurs mais qui appartiennent habituellement au domaine du « off », c'est-à-dire qu'ils ne sont pas repris dans la presse. Ainsi, en regardant les derniers voeux télévisés de Jacques Chirac, son futur successeur le trouve « convenu et démodé. À sa place, j'aurais dit, voilà, je vous ai servi pendant douze ans, une nouvelle époque s'annonce ». Mais sous la critique, perce une admiration subsistante : « il y avait de l'énergie chez le vieux lion ».
Au retour d'un trajet en avion avec Michèle Alliot-Marie, le candidat UMP fanfaronne auprès de l'écrivain : « comme ça, tu as vu la différence. » « Quelle connerie !», explose-t-il à l'issue des ces « forums de l'Union », exigés par MAM avant la désignation officielle du candidat de l'UMP. Sur sa rivale, Ségolène Royal, le vainqueur du second tour n'est pas plus tendre : « L'autre commence à débloquer à plein pot.» Ou encore : « Ce n'est pas sûr que le fait d'être nul soit un handicap en France. »
L'aube le soir ou la nuit cite de nombreux conseillers de Sarkozy. Mais le seul à être véritablement mis en scène est Henri Guaino, le rédacteur principal de ses discours. On voit les deux hommes passer de longues minutes à travailler une formule. L'admiration du chef de l'État pour son actuel conseiller spécial à l'Élysée affleure, même si, comme à son habitude, il l'exprime parfois sous un mode caustique : « Guaino, il est difficile, mais il a du génie. Ils veulent m'enlever Guaino. Moi, j'ai besoin de Guaino. J'aime les fêlés. Ils me rassurent. »
Des propos inédits confirment le flair politique de Sarkozy. « Si on n'avait pas l'identité nationale, on serait derrière Ségolène. On est sur le premier tour mes amis. Si je suis à 30 %, c'est qu'on a les électeurs de Le Pen. Si les électeurs de Le Pen me quittent, on plonge. »
Mais ce qu'on apprend surtout dans le livre de Reza, c'est que cette marche à la victoire n'est pas une conquête du bonheur. Sûr d'être élu, Sarkozy confie, à quelques jours du second tour : « J'aurai un palais à Paris, un château à Rambouillet, un fort à Brégançon. C'est la vie.» Dans son nouveau bureau élyséen, qu'il trouve « un peu triste », il soupire « je ne peux pas dire que je suis malheureux... Me voilà enfin débarrassé de ce fardeau ». Comme si la campagne avait épuisé son capital de joie.
(1) Flammarion. 190 pages. 18 euros.
Guillaume Tabard
Cette citation « Si je gagne, je voudrais supprimer le Front national, le Lion’s Club et le Rotary.” Va faire (fait déjà) du bruit dans le landerneau
Rédigé par : PB | 26 août 2007 à 19:30
Le Reza est un livre totalement inutile mais presque aussi pervers que l'était Le Littell l'an passé. Du mensonge habillé de morceaux de réalité. Une somme d'anecdotes, un portrait fin de siècle, une personne saisit comme un personnage, des coulisses, du petit théâtre... Rien de bien nouveau en vérité. Sauf que ce petit divertissement fort stylé entretient la Fiction qui nous entoure, nous tient, et nous empêche.
Bonus gentillesse ?
Je vous trouve très bien sur la petite vidéo Fnac.
Rédigé par : Stubborn | 25 août 2007 à 19:09
C'est évidemment un très bon caractère d’écriture. Avec talon en bas pour bien poser. Au-delà, ce livre nous livre le fonctionnement et la nomenclature, mode d’emploi détaillé jusqu'à l’infime écrou, heu, agrafe des hommes politiques. Et décrit bien ce personnage, Sarkozy candidat, mais Sarkozy candidat ni plus ni moins qu’un autre quidam(e) politique. Objectif : gagner ! Et ce monde n’est pas fait de saints. Deux façons de faire un livre, deux façons (façonnage) d’être politique. Pour le lire j’attendrai de savoir s’il y a eu des recompositions, des réécritures décidées par l’Elysée après l’élection. Mais. Si tu enlèves ta passion pour le p’tit Nicolas, ça ne vaut pas une relecture. Le binôme, auteure/Editeur(e) pêche un peu. Quelques aiguilles sont arrondies , il y a un peu de limaille sur le sol.
Rédigé par : martingrall | 24 août 2007 à 09:52