À 33 ans, elle est l'auteur indien qui dérange. Avec Babyji, premier roman traduit en français, Abha Dawesar met en scène l'homosexualité féminine et la frénésie de séduction.
Votre héroïne est une lycéenne qui séduit une femme divorcée, puis la
servante de sa maison, et initie enfin à ses jeux la plus jolie fille de sa classe. Comment ce roman a-t-il été accueilli en inde, que l'Occident imagine très puritaine?
L'Occident n'a pas forcément une vision très perspicace de l'Inde. Qui d'ailleurs, peut sérieusement prétendre saisir ce pays dans la totalité de ses cultures, de ses langues, de ses populations? L'Inde est traversée d'une quantité de contrastes, à mon avis sans équivalents dans le monde. C'est un pays jeune où plus des deux tiers des habitants ont moins de vingt-cinq ans : cela se répercute évidemment sur les mentalités. La croissance économique, le développement de technologies, l'arrivée des chaînes satellitaires, ont été facteurs de bouleversements importants. Mes personnages et le milieu dans lequel ils évoluent - la moyenne de Delhi - expriment ces changements. L'accueil réservé à Babyji a été triomphal.
Les contradictions qui agitent la société indienne sont au coeur de votre roman.
Imaginez le gouffre qui sépare le monde dans lequel vit un paysan des jungles de la frontière birmane de celui d'un cadre supérieur habitant une grande ville. Et à l'intérieur d'une même ville, ces contrastes sont encore très vifs. En deux minutes, mon héroïne peut passer de ssa maison au confort tout occidental à des bidonvilles sans électricité ni eau courante... Elle est entourée de femmes qui se sont arrachées aux pesanteurs sociales et culturelles : sa mère travaille, son amante a divorcé et élève seule son fils. Babyji et ses amis feuillettent des magazines "osés" en classe et regardent des adolescents s'embraser à la télévision. Pourtant, il est toujours très mal vu, pour une fille, d'avoir un petit ami et il est rare que les gens se marient par amour. Les femmes s'émancipent peu à peu, mais nombreuses sont encore celles qui sont battues par leur mari. L'Inde est un pays complexe où l'apparente pudibonderie des moeurs est constamment démentie par ses traditions religieuses ou culturelles. Voyea sa littérature ou certains de ses temples aux abords desquels trônent des symboles phalliques et qu'ornent d'explicites scènes d'amour en relief. C'est cette terre de tous les paradoxes que je veux mettre en scène.
Propos recueillis par Patrick de Sinety, Page mars 2007.
Retrouvez Abha Dawesar lors de la signature de son livre le jeudi 15 mars à 18h30 à la librairie Privat-Julliard, 229 boulevard Saint-Germain, Paris 7e
Tél 01 47 05 10 24
Très interessant! A dévorer et à relire! Je recherche mon Anamika maintenant...
Rédigé par : Caroline | 08 novembre 2008 à 02:15
Je viens d'achever la lecture de Babyji et je n'ai pas été déçue...
Babyji... le titre déjà est étonnant... C’est au portrait d’un esprit libre que nous convie Abha Dawesar, dans une ville où l'auteur nous avertit que "tout se passe dans la clandestinité". Anamika est une jeune fille brillante supérieurement douée pour les sciences et une figure importante de son lycée. A sa curiosité intellectuelle s’ajoutent un appétit pour les expériences sensuelles et un goût certain pour la transgression sociale. L’auteur nous la dépeint dans tous ses paradoxes. Anamika est une jeune femme étonnante par la maturité qu’elle affiche déjà, par sa générosité et par son envie de tout comprendre, y compris les zones d’ombre en elle-même et chez les êtres qui l’entourent. Cette graine d’adulte est aussi la proie du doute et de la jalousie… violence des désirs, déception face à la réalité des êtres... l’adolescente découvre que les relations humaines sont au moins aussi complexes que la physique quantique !
Le roman est dense et révèle plusieurs visages de la société de Delhi à travers les prismes de la condition féminine, des relations parents-enfants, des relations entre les castes, le tout sur fond d’évolution politique de l’Inde au début des années 1990.
J’ai été captivée de bout en bout. Au final, je n’ai plus qu’une envie : connaître le sort d’Anamika et de son entourage dix ans après…
BG
Rédigé par : Bénédicte | 30 mars 2007 à 15:29