Voilà comment ça se passe chez nos amis allemands pour la prise de contrôle de Surkhamp ( l'équivalent de Gallimard ou le Seuil outre- rhin...).
Nous n'avons donc pas le monopole des querelles intestines...
Je peux vous dire, pour connaître les protagonistes de cette affaire, qu'il n'y aura pas de cadeaux en particulier de la part de Joachim Unseld qui a très mal supporté d'être "spolié" au bénéfice de la deuxième femme de son père...
Par ailleurs le malheur des uns faisant le bonheur des autres, je suis sûr que mon ami Michaël Kruger patron de l'illustrissime maison Hanser ( qui dispute à Surkhamp le titre de Gallimard allemand) saura faire ce qu'il faut pour que cette bataille ne soit pas sans profit pour lui...
Quatre ans après la mort de Siegfried Unseld - l'homme qui en avait fait l'une des plus prestigieuses maisons d'édition allemandes -, Suhrkamp Verlag est l'objet d'une bataille d'influences entre la veuve du défunt, Ulla Unseld-Berkéwicz, et des investisseurs hambourgeois contestant son pouvoir. Ces derniers ont surpris le monde de l'édition allemand en rachetant, début 2006, 29 % de Suhrkamp pour un montant non communiqué. Depuis, bien que minoritaires, ils réclament des changements à la tête de la maison francfortoise, provoquant la mobilisation d'une partie de ses auteurs en faveur de la directrice contestée.
En janvier, Claus Grossner et Hans Barlach auront effectivement pris le contrôle des parts détenues jusque-là par Andreas Reinhart, un entrepreneur suisse. Celui-ci - dont la famille était proche de Siegfried Unseld -, a décidé de se désengager de Suhrkamp. A l'en croire, l'esprit insufflé par celui qui avait succédé, en 1959, à Peter Suhrkamp ne soufflerait plus sur les rives du Main.
Quelles que soient les opinions suscitées par Ulla Unseld-Berkéwicz, nombreux sont ceux qui ont vu dans cette transaction un raid inamical risquant de nuire à une maison ayant longtemps donné le "la" dans les débats intellectuels outre-Rhin. Sous la houlette de Siegfried Unseld - l'un des grands éditeurs allemands de l'après-guerre dont le catalogue a souvent été comparé à celui de Gallimard -, Suhrkamp a géré l'un des fonds les plus riches de la littérature germanique du siècle passé (Brecht, Hesse, Adorno, Frisch, Benjamin, etc.) La maison a aussi reflété et accompagné les principaux débats intellectuels ayant traversé l'ex-Allemagne de l'Ouest et l'Autriche au cours des dernières décennies. Ont été publiés chez elle des auteurs parmi les plus militants ou les plus controversés : Thomas Bernhard, Martin Walser, Jürgen Habermas, Peter Handke, Hans Magnus Enzensberger, etc. Joyce, Beckett et Proust figurent à son catalogue étranger.
Les nouveaux actionnaires ne viennent pas du milieu de l'édition. Claus Grossner cumule les activités d'investisseur et de grand ordonnateur de soirées culturelles prisées, dans sa villa des bords de l'Elbe. Il est aussi l'auteur d'un livre sur Le Déclin de la philosophie. Son partenaire, Hans Barlach, gère l'héritage laissé par son grand-père, le sculpteur Ernst Barlach. Il a récemment vendu le quotidien populaire Hamburger Abendblatt à un groupe d'investisseurs anglo-saxons mené par un ancien du Daily Mirror, David Montgomery.
Pour donner plus de crédibilité à leur démarche, ces deux personnalités se sont adjoint les services d'un professionnel reconnu, Arnulf Conradi, qui avait bâti le succès de Berlin Verlag, une des autres grandes maisons allemandes avec, entre autres, Rohwolt et Wagenbach. Ils ont également obtenu une caution familiale de taille, sous la forme du ralliement du fils de Siegfried Unseld, Joachim Unseld, né d'un premier mariage. Formé chez Gallimard et, en Italie, chez Feltrinelli, Joachim Unseld était destiné par son père à lui succéder. Jusqu'à ce qu'il soit écarté en 1991. A l'âge de 53 ans, Joachim Unseld, qui a pris depuis la direction d'une autre maison, FVA, détient encore 20 % de Suhrkamp.
"ACCENTS SHAKESPEARIENS"
Dans cette "histoire aux accents shakespeariens", selon un proche du dossier, Ulla Unseld-Berkéwicz joue le rôle central. Comédienne et chanteuse de formation, elle avait fait irruption chez Suhrkamp en 1990, en épousant Siegfried Unseld, de vingt-cinq ans son aîné. Peu après, elle y publiait son premier roman. Après la mort de son mari, cette femme exubérante avait réussi à prendre le contrôle de Suhrkamp, en se présentant comme l'héritière naturelle du défunt. La fondation familiale qu'elle dirige possède 51 % de la maison. Autant d'arguments qui l'autorisent, selon elle, à tenir les nouveaux venus à distance respectable. "La forteresse Suhrkamp est imprenable", a-t-elle averti.
Pour ses détracteurs, Ulla Unseld-Berkéwicz, aujourd'hui âgée de 55 ans, a fait preuve de son incapacité à la tête de l'entreprise. Avec quelque 130 salariés et un chiffre d'affaires annuel de 46 millions d'euros, Suhrkamp se porte pourtant plutôt bien comparé à d'autres. Toutefois, les départs de cadres importants vers des éditeurs rivaux et, surtout, d'auteurs maison, tels Martin Walser et Daniel Kehlmann, un des grands espoirs de la littérature allemande, seraient symptomatiques du malaise qui habiterait Suhrkamp. Le duo hambourgeois compte, notamment, réclamer plus de clarté dans les comptes de la société en s'invitant, via ses représentants, à un conseil de surveillance qui n'a pas été convoqué depuis 1999.
Fin novembre, Peter Handke, Peter Sloterdjik, Katharina Hacker et vingt-cinq autres auteurs de la maison ont soutenu publiquement la veuve de Siegfried Unseld, au nom du respect de la "culture Suhrkamp" des précédentes décennies. Pour certains observateurs, cependant, la bataille actuelle ne porterait pas tant sur la ligne éditoriale à mener que sur le seul contrôle du pouvoir.
Antoine Jacob
Catherine,
je te réponds ici mais j'aurais pu le faire...ailleurs...!
Tu vois comme dans le même journal on peut lire deux papiers différents...
Parce que...même provenance...je crois!
J'aimerais bien que plus souvent les gens qui passent ...et je les connais (adresse I.P...) donnent leur avis!
Mais tant que ce type d'article intéressera ...il y en aura
Rédigé par : gilles | 18 décembre 2006 à 18:38
Cher Antoine Jacob,
bien sûr allez-vous me dire, votre billet n'est absolument pas destiné à des gens comme moi, bien loin de toute littérature.
Et ce blog est un blog de littéraires, voire de professionnels de la littérature.
En même temps, ils n'envoient pas beaucoup de commentaires, les pros.
Moi j'ai passé un très agréable moment à vous lire. Voire un moment à hurler de rire.
Je vais relire bien calmement, en prenant des notes, et en faisant un organigramme et écrivant des chiffres et des noms, et là, tout me paraîtra clair. J'écrirai peut-être alors quelque chose sur la tristesse certaine de la situation.
Mais là, franchement, qu'est-ce que j'ai rigolé.
Dites donc, c'était du Gilles Cohen Solal au mieux de sa forme dans ses chroniques (d'ailleurs, c'est peut-être une fausse chronique...)
Ahhh les accents Shakespeariens de.. Siegfried, Ulla Unseld, Suhrkamp!!!!
Mais bon, ne m'en veuillez pas de ma bêtise, je sais que je ne devrais pas écrire ça (eh ben l'écris pas, je sais je sais Gilles)
D'ailleurs c'est peut-être mieux que je n'écrive plus.
Mais merci à vous Monsieur Jacob en tout cas, parce que même si je suis bête, je sais que votre article est intéressant, et que je le relirai calmement; et j'aime beaucoup ce blog, car on y réfléchit, sur des sujets rarement voire jamais évoqués ailleurs.
Rédigé par : catherine | 18 décembre 2006 à 18:01