L'excellentissime Andrew Nurnberg agent de Jonathan Litell parle...
Pas pour ne rien dire...
Pas pour tout dire non plus...
Cela a un côté James Bond...
Au service secret de sa Majesté...lui-même...
A déguster sans modération...
Mais avec beaucoup de précautions...
Andrew Nurnberg l'avoue volontiers : Les Bienveillantes ont dormi plusieurs semaines sur son bureau londonien, avant qu'il n'ouvre le lourd manuscrit du futur Prix Goncourt. "C'est un long texte. Je l'avais mis de côté avant d'avoir le temps de m'y plonger." Aujourd'hui, Jonathan Littell taquine son agent littéraire à propos de cette attente infligée à son livre.
Parcours
1947
Naissance à Londres.
1972
Fait ses débuts d'agent littéraire.
1977
Fonde sa propre agence : Andrew Nurnberg Associates.
1990
Vend en France au cours de la décennie trois livres de Boris Eltsine.
1993
Ouvre son premier bureau à Moscou.
2006
Agent littéraire de Jonathan Littell, auteur des "Bienveillantes".
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Une fois immergé dans l'oeuvre, Andrew Nurnberg a tout de suite su qu'il tenait "quelque chose d'exceptionnel" sur un sujet qui lui est cher. Son père était un juif allemand exilé à Londres et devenu catholique en épousant sa mère. "J'ai étudié chez les bénédictins", précise-t-il. Plusieurs de ses auteurs avaient traité de thèmes proches de celui des Bienveillantes. Mais ce roman, écrit en français par un Américain, l'a saisi. Par sa construction minutieuse, sa qualité littéraire, sa beauté "musicale".
Le contraste entre cette cadence des mots et la toile de fond dramatique des événements qu'elle ponctue a exercé sur lui une "fascination horrible" qu'incarne le narrateur et bourreau nazi, Max Aue. En lui, chacun peut retrouver quelque chose de soi-même ou de ses proches. "On se demande : "Et moi, qu'aurais-je fait en pareille circonstance ?" Hitler était un homme diabolique, mais il n'a pas ordonné tous les crimes du nazisme. Beaucoup de gens ont fait du zèle, pour le pire, au nom d'Hitler, en pensant combler ses voeux, et au-delà."
La lecture achevée, Andrew Nurnberg envoie Les Bienveillantes à quatre éditeurs français, dont Gallimard. En prenant soin d'affubler l'auteur d'un pseudonyme français, trouvé à la hâte et trop transparent, Jean Petit. Soucieux que le livre soit jugé sur son propre mérite, il souhaite éviter tout rapprochement entre Jonathan et son père, Robert Littell, un maître du roman d'espionnage installé en France.
L'éditeur Richard Millet, chez Gallimard, est le plus rapide. Il persuade Antoine, le patron, de conclure l'affaire au plus vite. "Avec Antoine, souligne Andrew Nurnberg, on a à peine discuté. Il a offert un à-valoir normal. J'ai demandé un meilleur pourcentage pour les droits d'auteur en cas de succès. C'est tout." Le livre a été acheté avant même d'avoir été entièrement lu. Détail capital, qui fera couler beaucoup d'encre : l'auteur n'a concédé à l'éditeur que les droits de l'édition française, les droits internationaux revenant au romancier et à son agent.
Le jeune Andrew rêvait d'être diplomate. Très tôt, il se passionne pour l'étude des langues. Outre l'allemand et le français, qu'il parle parfaitement, l'espagnol et le néerlandais, qu'il lit couramment, le jeune Britannique se met au russe. Tourgueniev et Tchekhov deviennent ses héros. Pour gagner un peu d'argent en terminant sa thèse de doctorat, il décroche, par hasard, un petit boulot chez un agent littéraire. Celui-ci lui confie bientôt les droits de ses auteurs aux Pays-Bas. "Pendant cinq ans, il m'a appris le métier." En 1977, à 29 ans, il fonde sa propre agence : Andrew Nurnberg Associates.
Au début, il ne s'occupait que des droits internationaux de ses auteurs dans quelques pays d'Europe. Aujourd'hui, il gère en direct les intérêts de vingt-cinq écrivains et dirige un réseau mondial, doté de huit bureaux permanents. Son fonds s'étale, en centaines de livres, sur les rayonnages de son QG londonien. Le fait qu'un romancier doté d'un agent ait remporté pour la première fois le Goncourt lui procure "une joie formidable". Il est surtout "très fier pour Jonathan".
Andrew Nurnberg parle de son travail avec enthousiasme, franchise et modestie. Il remercie son instinct et sa "bonne étoile". Il veut combattre "le mépris" dont souffrent, surtout en France, les agents littéraires. "Les éditeurs qui ne nous connaissent pas nous voient comme des suceurs de sang. Notre métier est pourtant simple : trouver le bon éditeur et conclure le meilleur contrat pour l'auteur. Nous dépendons des éditeurs autant qu'ils dépendent de nous. Pour survivre, il faut être honnête et ne jamais mentir, car tout se sait vite dans ce microcosme."
Ce qui compte avant tout pour lui, c'est sa relation avec un auteur. Elle doit être confiante et respectueuse. L'agent guide l'écrivain dans "le champ de mines" qu'est devenu un monde de l'édition de plus en plus complexe et où les formes d'exploitation commerciale d'un livre, de l'audiovisuel au numérique, se sont multipliées. Pourquoi donc, s'insurge-t-il, tout le monde pourrait-il vivre d'une oeuvre réussie, sauf son auteur ?
Elle l'agace, cette "exception française" qui semble conférer à l'éditeur un droit divin de propriété sur ses auteurs. Il se souvient avoir vu à Paris un écrivain célèbre contraint de faire antichambre pendant plus d'une demi-heure avant d'être reçu par son éditeur. "Au-delà du manque de courtoisie, c'était une manière de lui rappeler : "Nous vous avons choisi. Soyez déjà heureux.""
Dans le monde anglo-saxon, ajoute-t-il, ce sont les éditeurs eux-mêmes qui, après le premier contact, conseillent à l'auteur de trouver un agent pour prendre en charge ses intérêts et l'aider dans ses choix d'écriture. C'est pour eux un gage du sérieux de l'oeuvre.
Il arrive que l'instinct trahisse éditeurs et agents. Andrew Nurnberg aime raconter l'histoire du manuscrit d'Un monde à part, le chef-d'oeuvre du Polonais Gustav Herling, boudé par Gallimard au début des années 1950, "pour des raisons commerciales" : la lettre de refus était signée Albert Camus. Andrew, lui aussi, a fait une ou deux gaffes de ce genre. "C'est un métier totalement imprévisible, avec ses déceptions et ses merveilleuses surprises. Ni moi ni les gens de Gallimard n'imaginions que Les Bienveillantes aurait un tel succès."
Sur le mur, face à son bureau, figure une dédicace en russe signée Boris Eltsine. Andrew Nurnberg a géré trois de ses livres, dont son autobiographie. "Il était président, mais d'abord un client et un ami. Dans sa datcha, on parlait de tout et de n'importe quoi. Dans son sauna, en mangeant ou en buvant." Eltsine lui a présenté Poutine, qu'il a rencontré à deux ou trois reprises. La dernière fois, en février, au Kremlin - où l'on célébrait les 70 ans d'Eltsine -, il a rappelé à "Vladimir Vladimirovitch" sa promesse de lui confier ses Mémoires. Réponse du président : "Non, non, je n'ai pas oublié. Un jour..."
Jean-Pierre Langellier
@ catherine
Non... Hélas... Long soupir.
Rédigé par : Fleuryval | 08 décembre 2006 à 10:56
Vous pensez que le boulot d'agent littéraire a de l'avenir en France ?
Rédigé par : sarkochienchien | 08 décembre 2006 à 09:28
non, nous achetons tous nos livres étrangers chez des agents...
nous ne sommes donc pas moins "intéressants"...c'est surtout le problème de la répartion des droits et de la durée du contrat qui s'instaure en lieu et place d'une relation interpersonnelle...
il est extrêmement agréable de rencontrer des auteurs, de les lire et d'essayer de les ...séduire!
c'est peut-être la partie la plus intéressante du métier...peut-être, en tout cas en ce qui me concerne...
pour le reste le travail d'un bon agent anglo-saxon est assez proche de celui d'un bon éditeur ...Français!
les agents anglo saxons font beaucoup travailler les auteurs sur leurs textes, il y a une relation éditoriale pas uniquement "business"...
c'est cela qui différencie les deux Andrew et quelques autres agents de leurs homologues français qui ne voient dans les auteurs que des tiroirs caisses et qui voient les éditeurs comme des pourvoyeurs de cash..
Rédigé par : gilles | 07 décembre 2006 à 17:49
... et j'imagine que les éditeurs sont moins "intéressants". La relation française éditeur/auteur doit être remplacée par la relation agent/auteur, sans doute fondée sur plus de business. Ca doit avoir des avantages remarque
Rédigé par : catherine | 07 décembre 2006 à 17:13
non,
ils sont très peu à en avoir un...
et les agents installés en France ne sont absolument pas du même calibre que
Andrew"le chacal"Wylie
et
Andrew"le renard"Nurnberg...
Rédigé par : gilles | 07 décembre 2006 à 16:44
En france, les auteurs (de romans, enfin, de livres) n'ont pas d'agent?
Rédigé par : catherine | 07 décembre 2006 à 16:40