Comment faire passer sous la plume de quelqu'un d'autre ce que l'on pense soi...
Didier Jacob fait dire à Christine Angot ce qu'il pense de d'Ormesson...
Et du reste aussi...
Bref comment dire sans dire tout en disant que "c'est pas moi, c'est l'autre..."
Un exercice assez réussi dans la forme...
Dans le fond...
Comment j’ai rencontré Doc Gyneco, par Christine Angot
J’étais descendue à Brive. C’était le 3 novembre. Le 3 ou le 4, je ne sais plus. J’étais déjà fatiguée. Il y avait d’Ormesson dans le train. Ca m’avait achevée. D’Ormesson, ça ne pouvait pas être pire. J’avais eu Teresa au téléphone le matin. Teresa Cremisi. Mon éditeur. Je lui avais dit : « Je n’y vais pas ». Teresa m’avait répondu : « Tu as raison, dans ton état. » Le lendemain (il était huit heures et le train partait à midi), je la rappelais. Qu’est-ce qu’elle voulait dire, dans mon état ? Je n’avais pas dormi de la nuit. J’étais sur les nerfs, parce que je n’avais pas réussi à fermer l’œil. « Tu dormiras dans le train », me dit Léonore.
Je m’étais assise côté fenêtre, une place seule. Je n’avais pas envie de voir tous ces gens. J’étais un écrivain. J’écrivais des livres. Mais j’étais fatiguée. Toute cette fatigue. Et d’Ormesson par là-dessus. Les tartines de foie gras circulaient. Je rappelais Teresa. Elle n’était pas dans le train, elle m’aurait appelée sinon. Je laissais quand même un message. « Je vais à Brive, mais ça va mal, tu ne sais pas à quel point. Je me sens mal. Mal mal mal. Mais je ne suis dans aucun état. Justement. Justement, parce que j’écris. Donc, je suis dans un non-état. Le non-état de l’écriture. Mais ça fait mal. » Finalement, je l’embrassais. Mais j’allais mal. Et je me connaissais. Je n’allais pas aller mieux d’ici une heure ou deux. J’étais dans la pire des situations. Bloquée dans ce train, dans un non-état de non-écriture.
On arrive. Finalement, j’arrive. Et je hais cet endroit. Je hais Brive, je hais la foire de Brive. Je hais ça. Tout ce ça, je le hais. Je hais toute la foire et tout Brive. La première soirée, je me dis : Christine. Ma Christine. Je suis à mon hôtel, à une heure du cocktail. Mais je ne veux pas y aller. Je me dis que je ne vais aller nulle part, ni à Brive, ni à la Foire ni à leur pince-fesse de Foire. Teresa avait raison. J’étais en mauvais état. Je n’allais recevoir aucun prix. Finalement. En août, Teresa m’avait dit : « C’est le Goncourt dans un fauteuil. Regarde autour de toi. Tu es sûre de l’avoir. » J’avais répondu : «Ce ne sera pas un fauteuil. Un strapontin peut-être, mais pas un fauteuil. » Elle était sûre d’elle : « Fauteuil Voltaire ou fauteuil Louis XVI, c’est toujours un fauteuil. Regarde comme on t’aime. Regarde Libé. Claire Devarrieux l’a dit : le Goncourt, cette année, c’est toi qui l’auras. »
C’était vendredi, donc. Ou samedi. J’avais pris une décision : je n’allais plus pouvoir continuer comme ça. Au point de vue amour. Il y avait la littérature. C’était mon drame. Le seul drame que je pouvais vivre. Pas l’amour en plus. J’avais pris cette décision. Ca allait beaucoup mieux du coup. J’avais envie de sortir. Ils allaient tous dans cette boîte. Même d’Ormesson y allait. Au Cardinal. Il y avait ce gars. Gyneco. « Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? » Je lui dis : « J’écris. Je suis écrivain. Pas écrivaine. » Il n’avait lu aucun de mes livres. Il ne lisait aucun livre. Des livres de meufs encore moins. Alors d’écrivaines. Lui, c’était plutôt le pétard et la bière.
Ca s’était donc passé comme ça. Plutôt bien. Gentiment. Mais il fallait rentrer. Le Goncourt arrivait. Sauf que ça me dégoûtait encore plus, cette fois-ci. Cette histoire de prix. Ca me dégoûtait comme jamais. Teresa m’avait appelée pour me le dire : « Ma pauvre Christine. » Là, j’avais su. Ma Christine. Ma pauvre Christine. J’avais l’habitude. « Le Goncourt, finalement. C’est ni fauteuil ni strapontin. Mais le Flore, il est pour toi. Dans un canapé. » Le Flore, ça me désespérait. Que ce soit fauteuil ou canapé. Roche Bobois ou Louis XIII. Désespérée. C’était pire que tout. Moi, j’étais un écrivain. Je n’avais pas mérité qu’on me fasse ça. Beigbeder m’avait dit : « C’est toi ou rien ». J’aurais préféré rien.
Doc avait entamé « Pourquoi le Brésil » Ca le faisait rire. « J’y comprends rien », disait-il. Ca m’énervait déjà un peu. Bon, arrive le Flore. Le prix de Flore. Je ne voulais pas y aller. J’appelle Teresa. Messagerie. Doc me dit, on récupère le prix et on rentre lire « Pourquoi le Brésil ». Mais j’étais mal. Il ne le voyait pas. J’avais envie de tout abandonner. Même les livres. Pour la première fois, les livres. Doc me présentait dans les soirées à ses potes : «Tu connais pas, c’est une meuf écrivante. » Ca m’énervait mais c’était Doc. On part au Flore. J’étais désespérée. Il y avait l’amour, la vie, et les livres. Si on enlevait l’amour, qu’est-ce qui restait ? La vie et les livres.
Après le prix, bon. Ca allait quand même. On s’était couchés tard avec Doc. On avait dansé chez Castel. On avait dormi le lendemain. Au réveil, Doc m’avait demandé. « Mais pourquoi le Brésil ? » J’avais ri mais ri jaune. Puis j’avais écouté les messages et il y avait justement un mot de Teresa. «N’achète pas Voici. C’est un journal de merde. » Donc, je dis à Doc : « Faut acheter Voici ». Mais Doc : « Attends, je suis dans un paragraphe compliqué.» De mon livre. Donc je descends. Je sentais que j’allais passer un sale quart d’heure. Je l’achète, et je nous vois, nous. Doc et moi. Et je lis l’article. J’appelle aussitôt Teresa. « Comment ils peuvent me faire une chose pareille ? » J’en pleurais. Je n’allais pas pouvoir m’en remettre. Les photos, les ragots. Tout y passait. J’étais désespérée. Ils voulaient me tuer. Ils allaient finir par le faire. Je sentais que j’étais au début d’une longue descente. « Tiens, j’ai un pèt’ », dit Doc. Il ne comprenait rien. Il y avait l’amour, la vie, et les livres. Si on enlevait la vie, on enlevait les livres. «Passe-moi Voici », dit Doc. Il s’était mis à feuilleter le torchon en regardant les images. « Trop bonnes, ces meufs », dit-il.
je tombe dessus aujourd'hui : bravo c'est tout à fait ça, c'est vain,c 'est aritificiel, c'est tout à fait ça, absurde, à se jeter par la fenêtre, à ricaner, à se gausser, à dire je m'en fous et à pas s'en foutre du tout, à dire ça m'intéresse et ça les intéresse pas du tout, à dire j't'adore ma tite chérie, et à t'oublier aussi sec et pius autour à côté en dessous dedans très loin, tout près heureusement, putain y a l'écriture.
Rédigé par : aaaargnès | 12 décembre 2006 à 12:01
ok ,c'est pas Yann Moix dans Voici donc!
Rédigé par : catherine | 08 décembre 2006 à 16:25
@ CATHERINE,
DIDIER JACOB EST BEAUCOUP PLUS DANGEREUX QUE VOICI...ILA DU CRÉDIT LUI...C'EST UN VRAI JOURNALISTE...LUI...IL SAIT DE QUOI IL PARLE...LUI...BREF IL DÉTIENT LA VÉRITÉ QU'IL RELATE...LUI...ET COMME PERSONNE NE VA ALLER LE CONTREDIRE PARCE QUE TOUT LE MONDE VEUT UN PAPIER DANS L'OBS...C'EST DU"VELOURS" POUR...LUI...
PAR AILLEURS C'EST BIEN FAIT...POUR...LUI...!
Rédigé par : gilles | 08 décembre 2006 à 16:15
Ces jours, j'ai appris le décès du mari d'une fille chouette, laquelle attend leurs bébés.
J'ai également appris ce matin-même qu'un enfant de 10 ans parmi mes connaissances aurait une tumeur au cerveau.
Alors toutes leurs conneries "littéraires", ça me laisse froide... mais froide. Glacée, quoi.
Rédigé par : nathalie | 08 décembre 2006 à 15:11
Un nouveau mot pour être dépressif à cause de la fumette d'herbe à nigauds: l'angyneco.
Exemple :"Allo Teresa, non cela ne va pas du tout.Je sens que je suis au début d’une longue descente. Avant il y avait l’amour, la vie, et les livres. mais hier soir, à la soirée chez Castel, il y avait du Mumm et de la thaï. Ils veulent donc me tuer ? Je suis complétement angyneco ce matin".
C'est beau la postérité.
Il est chouette ce nouveau mot.
Il sonne comme algeco : Fait d'angoisses préfabriquées.
Rédigé par : mclane | 08 décembre 2006 à 13:28
Moi aussi, je veux appeler Teresa Cremisi : Allô, y'a Angot dans mon train, ça va pas !... Moi aussi, je veux voyager avec D'Ormesson : Dites, vous pouvez me dédicacer Le Rapport Gabriel, je m'appelle Casimir... Moi aussi, je veux qu'Angot aille chez Castel avec Doc Gyneco, et qu'on voit ça dans Voici. Je rêve même qu'on les y enferme. Et un jour, chez le coiffeur, je prendrai le Voici du bas de la pile, et je me demanderai : Qui c'était, déjà, Angot et Gyneco ?
Rédigé par : Lazare | 08 décembre 2006 à 13:15
Drôle Gilles. J'ai découvert cet article il y a un quart d'heure sur le DEL (comme quoi je l'ouvre avant le tien) et il m'a plus interpelée que les vicissitudes éditoriales de Jack Lang.
Je ne connais pas Didier Jacob, c'est qui? Et Christine Angot? Si elle est comme l'article, elle me fait pitié un peu. Comme à Mc Lane qui met plus d'énergie à être dégoûté. Qu'y a-t-il d'intéressant dans cet article : la vie supposée d'Angot (celle décrite ici ou celle qu'on laisse entrevoir par Voici interposée), ou précisément ce que tu soulèves Gilles : la vision "déformée" dis-tu de l'aureur de l'article, et donce précisément cette déformation, que tu perçois toi mais qui, pernicieuse, n'est pas vue du commun des mortels (comme moi). Du pouvoir des journalistes... On se méfie de Voici, on ne se méfie pas de Didier Jacob. Personnellement je lis Voici chaque semaine. Et je me dis que, si tu as raison, Christine Angot devrait préférer être en photo dans Voici (chacun sait que c'est "orienté") que racontée par Didier Jacob!
Rédigé par : catherine | 08 décembre 2006 à 13:11
je suis desespéré, au sens propre du terme, pas les états d'âme de certains écrivains qui ont la chance de vivre de leur plume.
Quelle vie de merde. Non ? Aller dans des jurys avec des célébrités, manger des toasts de foie gras, renconter Doc Gynéco et refaire en vraie la pub "détendu du mobile", danser chez Castel avec le banlieusard de service, fumer des pétards en pleurant une vie publique réclamée, donc affîchée, dans Voici...C'est terrible. A quand l'"angothon" ?
Une petite solution pour elle. Chômeuse en fin de droit ou ouvrière à trois huit aux sardineries de Douarnenez, avec le port en face pour se noyer de bières avec les marins...Des hommes des vrais, peut-être ce qui lui manque..
Pas de spleen intello dans l'urgence alimentaire. La dépression à ce point c'est vraiment une maladie de riches.
Elle a raison. Pas écrivaine.
Juste une qui écrit vaine...
Rédigé par : mclane | 08 décembre 2006 à 11:52