C'est absolument exceptionnel...
La théorie de l'inconscient freudien revisité par un neurologue, spécialiste en neurosciences cognitives...
On peut être d'accord ou pas...
Mais cette manière d'essayer de comprendre Freud et de l'interpréter en disant : "ce que Freud a découvert ce n'est pas l'inconscient c'est le conscient..." relève peut-êre de l'inconscience mais est en tout cas formidablement innovante même si l'on peut ne pas être d'accord...
Ce que je ne suis pas certain d'être ...
Mais en tout cas voilà un livre et un personnage qui méritent que l'on s'y arrête...
La critique en première partie est l'oeuvre de Nathalie Lévisales de Libération...
Libération ne pourra plus dire par la voix de son critique de cinéma que je suis très énervé parce qu'ils ne parlent pas de nos livres...
Quand une critique est bonne, elle est bonne; quand elle est mauvaise, elle est mauvaise!
Il n'y a pas que les livres qui peuvent être mauvais, les critiques aussi...!
La scène se passe dans un laboratoire américain. A la suite d'une lésio cérébrale, un malade, G.Y., est devenu aveugle dans la partie droite de so champ visuel. Si on lui présente une image, un visage par exemple, et qu'o lui demande ce qu'il voit, il répond : «Rien, bien sûr !» Mais si on insiste : «D'accord, mais quand même, ce visage, il est apeuré ou neutre ?», G.Y. répond, au hasard, croit-il, mais sans jamais se tromper. La raison de ce phénomène stupéfiant, explique le neurobiologiste Lionel Naccache au début de son livre, le Nouvel Inconscient, c'est que la partie du cerveau qui lui permet de voir consciemment a été détruite. Mais d'autres régions celle qui permet de voir inconsciemment, celle qui permet de reconnaître les émotions sont intactes, même si leurs performances ne peuvent accéder à la conscience. Voici une expérience parmi les dizaines que Naccache raconte et qui l'aident à faire petit à petit apparaître devant nos yeux ce qui, dans nos pensées et comportements de chaque instant, est conscient et ce qui est inconscient, ce qu'est la conscience et ce qu'est l'inconscient. Une exploration qui démarre dans le monde des neurosciences et qui emmène le lecteur jusqu'à la psychanalyse.
Lionel Naccache, 37 ans, est un spécialiste de la conscience, c'est un concept qu'il fréquente quotidiennement. En tant que neurologue, il voit tous les jours des malades qui, d'une manière ou d'une autre, ont des troubles de la conscience. En tant que chercheur en neurosciences cognitives, il travaille depuis des années sur des expériences qui permettent d'isoler les particules élémentaires de la conscience, et de l'inconscient. «Sommes-nous capables de parler de la conscience autrement qu'en termes subjectifs ?» demande-t-il au début de son livre. La suite montre que la réponse est évidemment oui. La conscience et l'inconscient ont longtemps été la propriété exclusive de la philosophie, puis de la psychanalyse. Depuis une vingtaine d'années, avec l'arrivée de la neuropsychologie clinique et des techniques d'imagerie qui permettent de voir le cerveau penser en temps réel, ils appartiennent aussi aux neurosciences. Dans les premiers chapitres, Naccache commence par nous dévoiler, une à une, les propriétés du conscient et de l'inconscient neurologiques et cognitifs. Certaines nous semblent évidentes, d'autres moins. On apprend ainsi qu'est conscient ce qui est rapportable («je vois un oiseau», «je pense à mes vacances»), que l'évanescence est la marque même de l'inconscient (pour qu'une représentation devienne consciente, il faut, notamment, qu'elle ait une durée minimale), que les processus inconscients sont incapables d'engendrer des pensées originales, y compris dans le fameux cas de l'idée de génie. L'intuition mathématique qui semble surgir des profondeurs de l'inconscient est toujours précédée d'un très long et très intense travail conscient, on n'a jamais vu d'idée mathématique surgir chez un charcutier, ni même chez un génie de la musique.
Pour chaque concept avancé, Naccache raconte des cas cliniques saisissants ou des expériences fascinantes d'ingéniosité et de subtilité. Il arrive que ce soit un peu technique, on peut passer, mais, la plupart du temps, on est en terrain connu, après tout ce livre nous parle de quelque chose qui nous est absolument familier : nos idées, comment elles se forment et où elles naissent. Mais, surtout, il y a dans ce livre un vrai projet pédagogique, un désir de convaincre en partageant des connaissances. On a le sentiment de participer à une discussion avec un auteur qui n'est pas seulement un chercheur brillant, mais aussi un esprit particulièrement humain et curieux.
La deuxième partie du livre met en place une confrontation de l'inconscient neurologique avec l'inconscient psychanalytique, tel que Freud l'a décrit. Naccache le dit dès le départ : il n'est pas analyste et n'a pas été analysé, il a juste beaucoup lu Freud, et il a aimé cette lecture, ça se voit. Il parle de Freud avec chaleur et empathie. Comment, se demande-t-il, quelqu'un qui était, comme lui-même, neurologue, a-t-il pu évoluer de cette manière ? «Qu'a-t-il pu comprendre d'essentiel qui permette d'établir un lien direct entre ses premières motivations et ses premières théories de la psychologie des profondeurs ? [...] Pourquoi a-t-il choisi cette voie ? Cette question ainsi entendue est à l'origine de mon envie d'écrire cet essai.» Ce qui est intéressant, c'est que Naccache utilise la démarche intellectuelle de la méthode expérimentale pour questionner les concepts et les contenus de la psychanalyse. Il met ses pas dans les pas de Freud, refait le même chemin, s'oriente avec les mêmes points de repère, qu'il regarde à la fois avec les yeux de Freud, et avec ceux d'un neurologue qui dispose des outils et des acquis des neurosciences contemporaines.
Dans un premier temps, il cherche les convergences sur l'inconscient, et il en trouve. La psychanalyse, comme la neurobiologie, décrit un inconscient riche, complexe et divers, toutes deux s'accordent sur le statut originairement inconscient de toute représentation mentale. Mais, en y regardant de plus près, c'est autre chose. Au départ, les descriptions de la conscience et de l'inconscient étaient identiques : la confrontation des thèses semblait donc légitime, explique-t-il. A l'arrivée, il ne découvre «pas seulement des oppositions radicales, mais pire», il a l'impression «de ne pas parler de la même chose». Deux exemples. Alors que Freud affirme que les représentations inconscientes sont immortelles, les neurosciences démontrent l'évanescence de l'inconscient. Mais il y a surtout le refoulement. Pour Freud, c'est un mécanisme inconscient, qui est doté de facultés de contrôle cognitif, relève de la stratégie et a une durée de vie quasiment illimitée. «Si on fait la synthèse de tout ça, dit Naccache, on arrive à quelque chose qui a une étrange ressemblance avec ce que les neurobiologistes appellent le conscient. Le gros problème, pour moi, c'est que le refoulement est un phénomène extrêmement intéressant, mais un phénomène conscient.» L'inconscient freudien est donc largement incompatible avec l'inconscient cognitif, conclut-il. Il est évident qu' «une bonne partie de l'édifice théorique freudien ne résiste pas à la lumière de la neurologie d'aujourd'hui. [...] Freud a échoué dans son projet de décentrage du psychisme humain et dans sa tentative de penser l'inconscient» .
Point final ? Pas du tout. Quand il se demande s'il reste quelque chose de la psychanalyse, la réponse est oui, bien sûr. «Freud s'est trompé en pensant avoir découvert l'inconscient. Ce qu'il a découvert, c'est le conscient.» Et, ajoute-t-il, la place centrale de la fiction dans notre économie psychique. Deux idées qu'il développe dans l'entretien ci-dessous. On peut ne pas être d'accord avec lui, mais la démonstration est troublante, extrêmement convaincante. Et surtout, on est impressionné par sa compréhension et ses intuitions incroyablement justes et fines sur la nature de la psychanalyse. On est frappé de voir que, de cette position de neuroscientifique du début du XXIe siècle, il réussit à mettre en lumière, ou à extraire, des choses qui étaient sous le nez de tous psychanalystes et neuro-scientifiques , et que personne n'avait vues avant lui, en tout cas pas aussi explicitement.
ENTRETIEN AVEC LIONEL NACCACHE
Vous avez explosé la théorie de l'inconscient freudien
Que faites-vous du reste de la psychanalyse ?
J'ai eu envie de mettre entre parenthèses le contenu de la théorie freudienne pour voir si on pouvait mettre à nu quelque chose de l'activité analytique. Et, quand on fait ça, c'est spectaculaire, quelque chose apparaît, qui est, je crois, le coeur de l'oeuvre freudienne : on voit la posture du psychanalyste. Le psychanalyste, c'est un bonhomme qui, lorsqu'il est confronté à un phénomène de la vie mentale, la sienne ou celle d'un autre, est dans une posture où il ne cherche pas à décrire, il cherche à interpréter, à construire un sens. Ce qui compte, c'est : ce que je raconte, est-ce que ça fait sens ou pas, par rapport à ce qu'on me donne. Pour moi, l'inestimable héritage de Freud est précisément cette posture consciente interprétative.
Quand vous faites ça, la question de savoir si ce que vous dites est vrai ou faux n'est plus pertinente, ce qui compte, c'est : est-ce que ça vous aide à produire du sens. Vu sous cet angle, le travail de la psychanalyse est un travail sur les fictions : on les recueille, on y fait attention et on essaie d'aider l'analysant à déplacer ces fictions si elles sont pathogènes pour lui, si elles le fixent quelque part. Le travail psychanalytique est une tentative d'aider l'analysant à utiliser ses ressources fictionnelles pour retrouver davantage de liberté dans ses actions et pensées. L'exemple du rêve est assez génial. Pour Freud, clairement, ce n'est pas le matériau du rêve qui est le plus important, c'est ce que le sujet fait du rêve, comment il le raconte. C'est dans la narration même du rêve qu'on voit apparaître le travail de la conscience du sujet. Cette posture-là est, je pense, le propre de la psychanalyse, envisagée comme une thérapeutique, mais aussi comme un rapport à soi, ou une source de connaissance.
Si je compare Freud à Christophe Colomb, c'est parce qu'il a fait une immense découverte, et, en même temps, il ne l'a pas tout à fait explicitée comme telle. Contrairement à ce qu'on pense, Freud n'est pas le découvreur de l'inconscient, mais d'une des propriétés fondamentales de notre vie consciente : lorsque nous sommes conscients, nous construisons du sens.
Si on vous suit, quelles sont les conséquences pour la psychanalyse ?
de leur pratique et de ce qu'ils manipulent. Par ailleurs, je suis assez sceptique sur les tentatives d'envisager une cure psychanalytique qui serait mâtinée d'une approche neuroscientifique, ce n'est pas intéressant. Parce que le propre de la psychanalyse, c'est de plonger au coeur du sujet, avec ce qu'il est. Et, quand on est au coeur du sujet, on n'est pas dans des neurones ou des molécules, on est dans des croyances et des fictions.
En revanche, si on me suit quand je parle de l'importance de la fiction, on peut se demander quelles sont les conséquences pour les neurosciences. Cette interprétation fictionnelle, c'est une des pièces manquantes des théories scientifiques contemporaines de la conscience. Et, lorsqu'on relit les connaissances actuelles en neurosciences, on ne peut qu'être frappé. Parce que, en fait, on dispose déjà d'une neurobiologie de la fiction, même si elle ne dit pas son nom. Grâce à Freud, on peut déjà établir la véracité de cette propriété dans la conscience. L'étape suivante, c'est d'aller plus loin dans la recherche en neurosciences.
Cette faculté de scénariser le réel, dites-vous, on la voit à l'oeuvre, d'abord chez les malades, ensuite chez nous-mêmes.
Chez les malades, une fois qu'on commence à chercher, c'est spectaculaire ce qu'on trouve. L'histoire la plus merveilleuse est peut-être celle racontée par le neurobiologiste Gazzaniga (voir ci-contre), où on voit la naissance d'une fiction en labo. Mais on trouve ce genre de fiction dans quasiment toutes les maladies neurologiques. Dans le syndrome de Korsakoff, une forme d'amnésie où le patient n'enregistre plus rien, si on lui demande «Vous avez fait quoi hier soir ?» au lieu de répondre «Je ne sais pas», il va inventer quelque chose, raconter qu'il était au cinéma avec un ami par exemple. Ce qui est extraordinaire, c'est que les patients neurologiques nous mettent sous les yeux ce que nous avons retenu de Freud : la place des fictions dans nos pensées et nos discours conscients. On le voit d'autant mieux chez eux que leurs constructions sont fausses. Mais fictif ne veut pas dire faux. Simplement, quand c'est faux, c'est plus facile à voir.
Cette croyance-interprétation fonde largement l'économie de notre vie mentale, chacun d'entre nous est en permanence en train d'élaborer des hypothèses, des constructions, des fictions. La seule vraie différence, c'est que, lorsque vous êtes neurologiquement sain, vos fictions sont contraintes par le réel. Nous incorporons les données du monde extérieur pour corriger nos scénarios, pour mettre à jour nos fictions. La fiction est souvent difficile à voir, mais elle apparaît dans les situations où la réalité extérieure a peu d'effets : les souvenirs anciens, les hypothèses sur les extra-terrestres, les croyances religieuses... Nous ressemblons alors davantage aux patients qui déploient leurs interprétations à l'abri de pans entiers de la réalité.
Vous parlez du libre arbitre.
Si on regarde les choses du point de vue de la conscience et qu'on se demande où se loge la liberté humaine, il y a quelque chose de vertigineux. On peut se dire : on manipule des fictions, on y croit, elles guident notre vie, et, en même temps, elles sont illusoires, ce sont des faits de croyance. Et pourtant, du fait même qu'on y adhère, ces fictions nous permettent de gouverner des comportements, des décisions. Peut-être que notre seul ressort de liberté, c'est ça, cette illusion première. Notre liberté est quelque chose d'infime, mais c'est là qu'elle se joue, sur une illusion qui nous donne une toute petite marge de manoeuvre. Cela relativise la notion de liberté, et pourtant, cette part de fiction est la source même de notre liberté.
Gillou,
Justement je parle de Freud dans mon prochain livre à paraître chez Guy.
Je te dis pas que tu vas rire en me lisant mais le sujet ne s'y prête pas mais tu es un éditeur, tu sais lire entre les lignes -pas comme ces paresseux de journalistes qui ne lisent que la 4me de couv-, tu verras sortir de ces pages toute la tendresse, l'humour de cette fille que je suis. Une nana pas mieux, pas pire qu'une autre.
Dans le précédent post jamais parti, je te parlais de ma Jojo à moi, une amie de plus de vingt ans qui a lu tout ce que j'ai écrit. En particulier, mon manuscrit censuré à la dernière heure pour les caprices de la femme d'un ministre. Elle disait Jojo : "Ils ont -les médias- parlé du livre de Domain et pas un mot sur le tien. Son livre est une vraie daube, une merde. Toi, tu as consacré presque 200 pages à la condition féminine de nos jours. Un livre écrit par une femme pour les femmes ! On en lit tellement peu."
Je te précise, Gillou, qu'elle enseigne Jojo depuis bientôt 25 ans. Elle est drôle, subtile, intelligente. Son avis est celui des autres femmes qui ont bien voulu me lire.
Jo, celle dont tu nous entretenais il y a quelques jours, n'a jamais daigné écrire trois lignes sur mes ouvrages parus précedemment. Dommage. Le dernier s'est très bien vendu, sans tapage, sans tribune. il s'est vendu parce qu'il donnait aux lecteurs l'envie de lire.
Le manuscrit censuré est là, sur une pile de brouillons, posé une petite table à côté de mon bureau. J'ai du mal à m'en défaire. Va savoir !
J'ai donné presque deux ans de mon existence pour le rédiger. Du temps passé en recherche, aux archives, en rencontres. Du temps pour l'écriture entre les piges et les cours -faut bien vivre-
Du temps de perdu ?! Que non ! J'ai rencontré des femmes extraordinaires qui ne sont pas connues mais qui ont des vécus exceptionnels.
Un livre sur la condition féminine à deux vitesses -comme la Justice quoi...-.
Il est l'heure d'aller se mettre à table.
Rédigé par : corinne | 21 décembre 2006 à 12:24