Voilà, je le dénonce et ça m'arrive!
Je me mets à faire du copinage...
Quand un auteur est un ami, la journaliste qui critique le livre une amie et que j'en parle...
C'est forcément du copinage...!
Pas forcément, non!
Quand c'est écrit , spirituel et cultivé comme du Marc Lambron...
Quand c'est écrit, fouillé et documenté comme du Ariane Chemin...
Ce n'est pas du copinage c'est du domaine de la santé publique...!
Alors que de surcroit cela parle de Ségolène Royal...
C'est le bouquet!
De roses...?
D'épines...?
Non, de talent de mes deux amis...!
Chacun ses cafés du commerce. Ceux de Marc Lambron se trouvent dans l'extrême sud de la Corse, là où les Parisiens en vue passent leurs vacances, avant de migrer, à la rentrée, vers la buvette du jardin du Luxembourg. Pendant l'été et l'automne, sur les terrasses de Porto-Vecchio puis dans les allées qui bordent le Sénat, il n'est question que de la future candidate du Parti socialiste. "Un moment Ségolène", fait de conversations enflammées et de saillies féroces, que l'écrivain a choisi de saisir.
Ce qui frappe Marc Lambron, c'est la haine furieuse que déchaîne, notamment chez les énarques, les diplômés de gauche ou les caciques du PS, la députée des Deux-Sèvres. Il s'amuse de les entendre "décrier en elle la pécore, l'écervelée, la pestouille, une Elena Ceaucescu de corridor". Qui n'a pas entendu aussi, comme Marc Lambron, exhumer cette rumeur aussi ridicule qu'éculée qui tente de faire depuis vingt-cinq ans de Mme Royal une fille naturelle de François Mitterrand ? "Ma vieille fibre sémiologique se réveillait. Que disait cet ensemble de signes que l'on appelle Ségolène ? (...) Je commençais à prendre quelques notes." Voilà Marc Lambron lancé dans une entreprise d'archéologie de la gauche et de généalogie de Ségolène Royal.
Une chose rapproche l'auteur de son objet : leur âge. Ils appartiennent à cette génération qui "a grandi à l'époque du gaullisme triomphant". Son roman-quête prend la forme d'une promenade-conversation, délicieusement surannée, où l'auteur devise tour à tour avec un "journaliste passant pour informé" ou un "ancien élève de la promotion Voltaire" qui portent des vestes de "tweed vert" et ont commencé à réduire leur consommation de cigarettes. Le tout avec un indéniable talent de plume, pour qui aime l'imparfait de narration et les ampoules de la prose normalienne.
Marc Lambron a bien observé le personnage Royal, prenant parfois le contre-pied de la presse, comme lorsqu'il décrit son voyage en Corse, en juillet. On a retenu qu'"elle ne disait rien" ? L'auteur explique au contraire qu'elle a balayé toute nouvelle dérogation de pouvoir pour l'Assemblée de Corse - ce qui, au passage, a permis de sceller illico son alliance avec le PRG d'Emile Zuccarelli. La "stratège immaculée" sait ce qu'elle fait, même si elle "est historiquement ignare, économiquement survolante, politiquement émancipée", lui explique un hiérarque du PS anonyme : "Voilà pourquoi elle les rend fous."
De ses fouilles dans le terreau de la France moderne, Marc Lambron conclut que la candidate du PS "parle un langage secrètement religieux à une France ouvertement déconfessionnalisée". Elle est aussi "un virus qui s'attaque simultanément à trois gauches exténuées, la marxiste, la libertaire et la socialiste", ravie de se venger de "tous ces esprits qui l'ont traitée depuis vingt-cinq ans comme un volume de la Bibliothèque rose". Mais la vraie thèse de Lambron, c'est que, "avec Ségolène, la gauche avoue son immense désir de droite". Mme Royal manifesterait, "après François Mitterrand, l'inconscient de droite de la gauche".
Pour certains, à droite, c'est une bonne nouvelle. Surtout lorsque, comme l'auteur, ils déplorent le "mauvais genre" de Nicolas Sarkozy, l'avocat du "9-2". C'est cela, aussi, qui fait le sel de cet essai : que Marc Lambron, dandy lyonnais, maître de requêtes au Conseil d'Etat, critique littéraire au Figaro Madame, manifeste une forme de fascination pour Ségolène Royal... "Il y aurait des avantages pour tout le monde à ce que la vieille doctrine aille rouiller dans le magasin des accessoires", écrit l'auteur ; et puis au moins, avec elle, on ne trouvera pas "Vichy-Trotsky dans le placard". Du strict point de vue de la sociologie électorale, cet ouvrage est de bon augure pour la candidate socialiste.
MIGNONNE, ALLONS VOIR... de Marc Lambron. Grasset, 196 p., 14,90 €.
Ariane Chemin
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