Bon!
Je ne vais pas attendre le résultat de l'Interallié pour dire, une fois de plus, ce que je pense des Prix Littéraires..
Ce que j'en pense tout le monde le sait, enfin tous ceux qui ont envie de le savoir.
C'est plutôt dans les commentaires que se trouvent des perles formidables, mais pas seulement...
Bien entendu, mes deux critiques préférés donnent leur avis dans la suite de la note.
Mais celui qui me plaît beaucoup, aujourd'hui, c'est Bernard Pivot;
Le Monsieur Propre du Goncourt...
L'homme grâce à qui les scandales antérieurs et les magouilles s'arrêtent
L'homme qui a pris la place de François Nourissier , l'homme qui était capable de dire : " Je n'ai pas lu "Les Bienveillantes et en quoi cela m'empêcherait il de voter pour ce livre?""
Donc Bernard Pivot arrivant quelques Candide, comme moi, ont cru que le système de prévarication prévalant jusque là allait changer...
Que nenni!
Dans la note de Pierre Assouline un journaliste dit à B.Pivot "mais le livre d'Atiq Rahimi est diffusé par Gallimard..."
Réaction offusquée de l'intéressé (que je vous laisse découvrir après) disant que le diffuseur "on s'en fout et pourquoi pas les libraires et les critiques tant qu'on y est!"....
Là je dis "Bravo"!
Simplement , Monsieur Pivot soit vous êtes tellement loin du milieu de l'édition que je me demande ce que vous faîtes depuis 30 ans , soit vous nous prenez pour des abrutis!
Car P.O.L , éditeur remarquable si il en est, n'est pas seulement diffusé par Gallimard, il lui appartient!
Oui Mr Pivot, cette petite maison d'édition "indépendante" est une filiale du groupe Gallimard qui en détient la majorité!
Alors restons raisonnables, de la même façon qu'une grande partie du capital d'Actes Sud(via une holding , certes mais tout de même) appartient à Flammarion, P.O.L comme le Mercure de France, La Table Ronde , Joelle Losfeld, Denoël et quelques autres appartiennent à Gallimard!
Cela ne remet en rien la qualité du livre d'Atiq Rahimi , ni le travail de Pol Otchakovsky-Laurens, mais vraiment en rien.
Cela signifie seulement que Gallimard est OBJECTIVEMENT la plus belle marque d'édition du Monde, et cela tous les éditeurs qui n'en font pas partie vous le diront avec une pointe d'envie, ou de jalousie ou d'admiration, les trois pouvant être mêlées!
Mais , s'il vous plaît arrêtez de nous faire prendre des vessies pour des lanternes et avouez qu'il y a une prime à Gallimard, chez les libraires, chez les journalistes et chez les jurés!
Nous le vivons au quotidien et nous le comprenons!
Bravo à la maison Gallimard d'être ce qu'elle est , mais elle n'a vraiment pas besoin d'arguments fallacieux venant de personnalités éminentes pour être défendue!
Pour une raison simple, personne n'a envie de l'attaquer! Elle est la fierté de l'édition française et la référence de l'édition mondiale!
La première note est de Didier Jacob (La révolution Goncourt)
La seconde note est de Pierre Assouline (Le Goncourt 2008 a tout pour lui)
P.S quand on est un auteur Gallimard, c'est sûr!
13 novembre 2008
La révolution Goncourt
En somme, ce serait comme d’habitude. Le Bris gagnant comme d’habitude, comme chaque fois que Le Bris gagnait le Goncourt. Le Bris ou un autre, dans un fauteuil Grasset. La dernière liste était faite pour lui : un débutant chez Gallimard (on honorait Gallimard d’une place dans le dernier carré mais on faisait comprendre à Gallimard qu’il ne fallait rien espérer). Un Afghan dont le livre, publié chez POL, n’avait donc par nature aucune chance de l’emporter (un Afghan pour dire : au Goncourt, on n’est pas insensibles à la douleur du monde). Un épais Blas de Roblès au titre toujours impossible, épais comme c’est pas possible, épais, mais alors épais! Chez Zulma, en plus! On aurait tout vu, qu’un gars au nom étrange, avec un titre long, mais alors long, se récupère le Goncourt.
Qu’est-ce qu’ils avaient tous, cet année? Un Blas de Roblès, un Rahimi! Dans des petites maisons au non imprononçable! Qu’est-ce qu’ils étaient venus squatter la dernière liste du Goncourt, si ce n’est pour faire place, finalement, à Michel Grasset de Le Bris? A «La Beauté du monde»? Un titre qui n’allait peut-être pas faire un super-carton, surtout en temps de pénurie générale. La Beauté du monde, chérie, ça m’étonnerait que, cette année, on puisse se l’offrir!
Car c’est bien de révolution qu’il s’agit. La révolution, c’est que Le Bris, il y a dix ans, aurait eu le Goncourt dans un fauteuil. Parce que Grasset, parce que Le Bris, besogneux auteur qui aurait fait, au temps de la mafia des prix, une idéale bête à Goncourt. Jamais POL, petite et exigeante maison que l’on sait, même passée dans le giron du groupe Gallimard, n’aurait pu y prétendre. Non, cette année, l’heure n’était pas à la beauté du monde. C’était la douleur, Michel. La douleur à la manière afghane. Pour la beauté, tu t’es vraiment trompé de jour et d'heure.
Il faut dire que personne n’avait vu arriver la vague. Avec les Tournier, les Chandernagor. Vous savez, ma petite mascotte. Depuis que je lui ai décerné, il y a quelques années, mon premier Prix Cruche. A l’unanimité plus ma voix. Eh bien Françoise, rendons-lui ce juste hommage, était heureuse le jour du prix. C’est Camille Tenneson qui vous l’a raconté dans Bibliobs. Vous n’allez pas le croire, mais elle a jugé que la construction du bouquin n’était «pas ordinaire». Ce qui est tout de même un début de qualité. Ca change, qu’est-ce que vous voulez, de tous ces bouquins qui ont un début, un milieu et une fin. Mais le plus important, selon Françoise, était ailleurs. Elle lâche même le morceau, dans cette phrase qui dévoile le pourquoi du comment du Goncourt: «Le livre s’est imposé par son actualité. L’Afghanistan est un pays qui nous intéresse et qu’on cherche à comprendre.»
Voyez comme cette confrérie prestigieuse sait aussi se montrer humble, et curieuse des péripéties de l’actualité. Merveilleuse Françoise! La benjamine de l’Académie, nous apprend le magazine Elle qui a demandé à l’intéressée de raconter sa journée, révèle par exemple: «Comme je vis moitié à Paris, moitié dans la Creuse, je me promène avec d’énormes valises de bouquins, que je sème ensuite un peu partout dans la maison.» La main verte, donc. Ecolo. Elle sème les livres à la main, attention, pas à la machine. Un peu comme en Afghanistan, au fond. Pas étonnant qu’elle se soit retrouvée dans ce roman qui fleure si bon le commerce équitable!
Voilà comment se déroule la journée du huitième couvert (j’apprends, dans les excellentes «Friandises littéraires» que Joseph Vebret fait paraître chez Ecriture, que Courteline utilisa entre 1926 et 1929 le même couteau que Françoise): courses le matin puis, avec l’arrivée du facteur, Françoise opère une première sélection. Le plus salé, voire salace, vient maintenant : «Après le déjeuner, je vais lire. Dans la bibliothèque, dans le salon, dans ma chambre, peu importe, mais j’adore bouquiner allongée sur le ventre.» God, Françoise! Si ta maman entendait ça!
La Brigitte Bardot de l’Académie lit donc – nous en sommes aux aveux les plus croustillants – «selon leur épaisseur, deux ou trois livres par jour». Ah oui tout de même! Vous pensez qu’elle ne les finit pas? Nenni: «Comme c’est mon travail, j’ai pour principe de tous les terminer.» Enfin, terminer. Terminer, pour elle, c’est quand ça lui plaît. Sinon, elle «donne sa chance», ce qui, toujours «selon l’épaisseur du livre», veut dire lire entre 40 et 150 pages. Oui, pour le huitième couvert, tout est affaire de fourchette.
Le Goncourt 2008 a tout pour lui
“C’est l’Afghan !” Le sommelier du restaurant Drouant n’annonçait pas au personnel l’arrivée d’un richissime habitué de cette table très parisienne, mais l’annonce de la cuvée 2008 du Goncourt. Atiq Rahimi l’a donc emporté dès le second tour de scrutin pour Syngué Sabour (155 pages, 15 euros, P.O.L.). Certains jurés des grands prix d’automne ont fait une telle surenchère ces dernières années que, pour les Goncourt, le coup d’éclat consistait tout simplement à renouer avec la vraie vocation des prix littéraires : la découverte et la révélation. Pour y parvenir, ils disposaient de deux candidats idéaux sous la main parmi les quatre en lice: Blas de Robles et Atiq Rahimi. Le premier ayant déjà eu son lot, la voie était libre pour le second. Ce qui passa sans mal.
Lorsque Rahimi a pénétré peu après 13h dans la salle à manger historique des Goncourt au 1er étage de cette cantine de luxe, ce fut une ovation. Patrick Rambaud le félicita élégamment bien qu’il fit campagne jusqu’au bout, de même que Françoise Mallet-Joris, pour La Beauté du monde de Michel Le Bris (”On ne juge pas la chose jugée, il est notre élu à tous, alors bravo Rahimi“), Françoise Chandernagor très enthousiaste lui avoua qu’à la veille de la rentrée encore elle ignorait si Atiq était son nom ou son prénom, avant que Didier Decoin et Bernard Pivot lui révèlent chaleureusement qu’ils lui étaient acquis très tôt tant son livre avait emporté leur conviction.
Puis Robert Sabatier entreprit l’heureux éditeur Paul Otchakovsky-Laurens afin de lui rappeler qu’il y a une trentaine d’années, il l’avait accueilli dans son bureau de directeur littéraire d’Albin Michel alors que celui-ci, débutant dans la profession, cherchait du travail :“Jeune homme, pour ce que vous voulez faire, il n’y a qu’une place ici, et pour l’instant, elle est prise : c’est la mienne“. De son côté, Bernard Pivot piquait une petite colère contre une journaliste qui lui demandait :“C’est aussi la victoire de Gallimard, non ? - Quoi, Gallimard ? Mais c’est POL l’éditeur ! -Oui mais c’est Gallimard le diffuseur… - Et alors ? Mais vous allez nous fiche la paix avec ces histoires ? Qu’est-ce qu’on en à foutre du diffuseur ? Et pour quoi pas les représentants et les libraires tant qu’on y est ! Incroyable, ça : vous croyez vraiment qu’on vote pour un diffuseur ? Ce qui nous intéresse, c’est le livre. Facile à comprendre, non ?”. Dans le brouhaha des couloirs, c’est à peine si l’on entendait les commentaires à la suite de l’annonce du vote des Renaudot voisins en faveur du Guinéen Tierno Monénembo pour Le Roi de Kahel (Seuil) à l’arraché, puisque ce fut acquis au 11ème tour contre Elie Wiesel. On eut dit une volonté de compenser les excès des années précédentes: ” Avec 700 000 exemplaires, même si ce n’est pas entièrement grâce à nous, Daniel Pennac a fait le plein pour nous pour deux saisons” confiait un juré. Toujours est-il que 2008 ne restera pas comme une bonne cuvée de prix pour Grasset qui espérait beaucoup, un éditeur très bien représenté sur différents fronts, mais absent sur la ligne d’arrivée.
S’il est un juré auquel l’auteur et l’éditeur doivent le Goncourt, c’est bien l’un de deux petits nouveaux, Tahar Ben Jelloun. Depuis qu’il a lu Syngué sabour en juillet chez lui à Tanger, il n’a cessé d’en plaider la cause auprès de ses camarades de jeux. Petit à petit, les autres prix faisant le ménage et les circonstances aidant, il les a gagnés à sa cause. Jusqu’à ce qu’ils se rendent à cette évidence : Syngué sabour est un beau récit d’un accès aisé (dont je vous disais grand bien dès le 24 août), sorti de la plume d’un nouveau romancier français (un écrivain n’a-t-il pas sa langue pour vraie patrie ?) qui a élargi les frontières de ladite francophonie à un pays d’Asie centrale toujours rongé par la guerre, publié depuis ses débuts par un petit éditeur exigeant qui en 25 années d’existence n’a jamais cédé sur son absolu de la littérature, et qui glorifie discrètement la fière réaction d’une femme dans une civilisation où tant d’autres sont soumises. Autant dire que ce Goncourt 2008 a tout pour lui. La mort de Nadia Anjuman, cette poétesse afghane de 25 ans sauvagement assassinée à Hérat il y a trois ans par son mari “parce qu’elle était trop libre”, avait été un choc pour Rahimi qui l’admirait. De ce choc est né Syngué sabour. Sa mort le lui a inspiré. La “N.A.” à qui il rend hommage sur la page de garde, c’est elle. Elle venait de publier un recueil intitulé Fleur rouge foncée (Gul-e-Dodi) avant d’être battue à mort. Dans l’un de ses poèmes, elle écrivait : ”Espoirs envolés, désirs non exaucés, Je suis née en vain, c’est vrai”…
Jugeant le titre Syngué sabour un peu compliqué à prononcer et à se souvenir, Bernard Pivot a suggéré à l’éditeur de le permuter avec le sous-titre “Pierre de patience”. Pour la couverture, c’est trop tard. Quant au bandeau, il est déjà pris par autre chose, devinez quoi. 20 000 exemplaires ont déjà été vendus de ce récit paru le 20 août. Vendredi, l’éditeur était près de la rupture de stock. Tout à l’heure, il a lancé une réimpression de 120 000 exemplaires. La première, Inch’Allah !
Pour ne pas être à court, l'année prochaine le Goncourt devra être attribué à Stock.
Rédigé par : martingrall | 23 novembre 2008 à 17:51