Il y a longtemps déjà que j’aurais du écrire cette note .
C’est vrai, chaque année, après Francfort je fais un petit compte rendu de la Foire, des rencontres et de ce que j’en ai ressenti.
Cette année, curieusement, cela m’a semblé moins indispensable que d’habitude.
Je ne comprenais pas pourquoi…
Je crois avoir compris, ici, à Venise.
Je vois passer d’énormes paquebots dans ce décor enchanteur, ils sont totalement anachroniques…
Plus hauts que les immeubles, ils dénaturent le paysage mais plus moyen de revenir en arrière !
Et le paysage lui-même se transforme sous les effets conjugués de l’homme et de la nature ; Venise est toujours Venise mais n’est plus Venise…
Disparus les petits commerces et les boutiques de proximité ; remplacés par des « mini-maxi markets » et des vendeurs de bimbeloterie dont on se demande comment ils peuvent gagner leur vie…
L’âme a laissé la place au show, le décor tient mais les acteurs semblent fatigués et presque résignés dans le fond ; mais dans la forme , ils donnent le change en surjouant presque…
C’est ici que j’ai compris ce qu’étaient Francfort et l’édition aujourd’hui :
Le Titanic qui croiserait dans Venise !
Pourquoi le Titanic ?
Il m’ a semblé durant une semaine vivre en dehors du monde. Ce n’était pas une sensation d’ailleurs c’était une réalité.
Nous nous rencontrions comme l’année dernière, nous buvions comme l’année dernière, nous déconnions comme l’année dernière et nous avons même fait semblant d’acheter et de vendre des livres comme l’année dernière !
À la différence près que 2008 n’est pas 2007 !
Loin de là…
Une énorme crise économique et financière planétaire, plus rien ne va , tout est dérèglé
Mais c’est comme si de rien n’était !
Magique, surréaliste, salvateur !
D’abord il y a quelque chose qui me surprend aujourd’hui , c’est l’utilisation du terme planétaire en lieu et place du terme mondial(e) . Là je dois dire que j’aime beaucoup, non mais sérieusement…
Comme si la planète était plus grande que le Monde !
Il y aurait donc une banlieue du Monde qui ferait qu’on l’appelle Planète alors que sinon, c’est à dire en excluant cette banlieue on retrouve finalement microscopiques à échelle du Monde…
J’adore les journalistes et leurs concepts…
Donc au milieu de cette crise mondialo-planétaire une infinitésimale tranche d’humanité s’en paye une bonne…tranche évidemment !
Une petite idée d’une journée de la tranche :
Réveil dans une chambre qui coûte entre 450 et 650 euros
Petit déjeuner à 30 euros pour discuter de livres qui coûtent entre 5 ,000 et 500,000 €
Post petit déjeuner avec entre six et huit rendez vous toujours dans le même but
Déjeuner avec le même objectif
Rendez vous sérieux tout l’après midi (de 15 à 18H faut pas déconner , non plus…) à la Foire entre stands des uns et stands des autres
Et vas y qu’on essaye de vendre ( c’est curieux ça marche assez peu cette année, la vente…)
Et vas y qu’on essaye de résister à acheter (mais on y arrive pas…alors c’est là qu’il y aura un peu de décryptage plus tard. Ben oui, il faut décrypter . Si les ventes ne marchent pas , par réciprocité les achats ne devraient marcher non plus, suivi ? Et bien ce n’est pas comme ça… c’est beaucoup plus drôle, on ne vend rien mais on achète quand même !!! Et c’est pour tout le monde pareil… Donc ? Donc surproduction , donc on vend encore moins et vendant encore moins , on vend encore moins et donc ? gagné ! on achète encore plus ! je ne vous le fait pas dire on est un peu cons dans l’édition… !)
Quand on a fini d’acheter ce qu’on ne vendra pas et de ne pas vendre ce que l’on a publié, on va dans les bars d’hôtels…
« Et là on s’en donne à cœur joie, et sans complexes
on déballe des vérités, sur des gens qu’on a dans le nez
on les lapide mais on le fait avec humour
en rempédant des calembours mouillés d’acide
on rencontre des attardés qui pour épater leur tablée marchent et ondulent
singeant ce qu’ils croient e^tre nous et se couvrent les pauvres fous de ridicule…
ça gesticule et parle fort
ça joue les divas , les ténors de la bêtise… »
Et on continue…. !
À jouer les éditeurs, les agents, les lecteurs, les dragueurs et tout le reste…
Et les bars d’hôtels ce n’est pas pour rire…
Il y en a deux principaux , enfin depuis cette année.
Je reprends….
Les deux hôtels mythiques de Francfort sont le Frankfurter Hof et le Heissischer Hof
Soit d’une part le F.Hof qui est au milieu de la ville avec ses 400 chambres et ses salons et lobby immenses mais aussi un très grand bar ouvert avec vue sur les salons plus quelques pompes à bière qui trainent de ci , de là…
Et d’autre part le H.Hof qui est quasiment en face de la Foire, beaucoup moins grand que le précédent (environ 120 chambres), mais beaucoup plus feutré et chic…
Comme au F.Hof l’essentiel des rendez vous se passent dans les salons et le lobby au fond duquel se trouve un bar assez classique…
Jusque là on pourrait penser que c’est match nul…
Un très grand grouillant de monde dans lequel tout le monde fini plus ou moins par passer et un autre plus petit mais avec une occupation aussi dense , plus en vogue chez les « anciens » et moins fréquenté par les jeunes générations qui fréquentent l’autre pour cause de plus de gens à voir donc potentiel de drague supérieur (quelque soit l’objet de la drague )…
Oui mais voilà…
Le Heissischer Hof a transformé cette année son légendaire piano bar le « Jimmy’z » en un bar fumeur ouvrant à 16h30….
Et à partir de ce moment là, la messe a été dite.
Forcément !
Un petit bar , très confortable, avec un personnel aux petits soins et un endroit fumeur de surcroit…
C’était gagné !
D’ailleurs le score est éloquent : tous les soirs au Jimmy’z et une seule incursion de 20 minutes au Frankfurter Hof !
Car si je suis resté huit jours à Francfort ce n’est pas pour travailler huit jours, c’est parce que j’avais trouvé un bar fumeur absolument formidable !
Quelque fiesta mémorables y ont eu lieu ( cette année je ne citerai pas de noms !) dont on peut se réjouir après coup qu’elles n’aient pas eu lieu trop loin de nos chambres car le taux d’alcoolémie était très largement supérieur à celui légalement autorisé, même pour marcher dans la rue !
Donc la Bourse fait du yo-yo, personne ne vend un livre et nous continuons très sereinement à fumer le cigare en buvant des verres et une fois éméchés à chanter dans un piano bar… !
Moi je dis , cela ressemble très furieusement au Titanic cette histoire… !
Parce que pendant ce temps là… non seulement les ventes n’existent pas mais nous continuons à acheter !
Comme si, par magie tout allait changer demain…
Bref, j’ai zappé la page « dîners » pour passer directement à la page « après-dîner »…
Pas grave…
Juste un , qui d’ailleurs n’est pas un mais deux et n’est pas , donc, undîner mais sont deux cocktails…
À tout seigneur, tout honneur…
Le cocktail « Éditis », très sympathique, quasiment familial, tout le monde était là, ou presque…
Les absents ont eu tort, ils ont toujours tort !
Buffet de grande qualité, assistance polyglotte (Planéta est passé par là…), il paraît que le patron Jésus est très sympathique, je ne sais pas si il va tout avaler mais il paraît qu’il est très sympathique et pas mal en plus… c’est ma femme qui le dit alors évidemment cela à tendance à m’énerver un brin surtout quand elle rajoute : « et en plus il a vraiment du charme… » comme si j’en avais faussement, moi, du charme !
Elle m’énerve !
Elle fait exprès et ça marche… !
Donc aprèsc es deux petites heures chaleureuses où tout le monde est content de se voir mais préfèrerait que « l’autre » ne soit pas là (concept simple dans l’édition : il n’y a pas de confrère, il n’y a que des concurrents… ! donc par définition est « l’autre » tout le monde !!!) direction :
LE COCKTAIL !!!
Celui pour lequel, depuis vingt ans, tout le monde se bat pour en être (non pas vu, il y a beaucoup trop de monde, mais simplement dire : « j’ y étais ! » (bande d’abrutis !)).
Le Cocktail Bertelsmann…
Trois mille personnes, des centaines de métres carrés de salons, des centaines de mètres lnéaires de buffets et bars, des centaines de filles plus jolies les unes que les autres, des milliers de pique assiettes qui bousculent n’importe qui pour un verre, des odeurs de bouffe insupportables, un luxe inouï , une musique démente et un vacarme de fond insupportable, mesdames et messieurs c’était LE COCKTAIL de la Foire de Francfort !
Je n’ y suis pas resté plus longtemps qu’il ne m’en a fallu pour le décrire et j’ y ai croisé tout le monde…
Surtout en repartant…
Et je suis rentré au Jimmy’z où le barman m’avait gentiment gardé ma table, m’a apporté un whisky , un cigare, un verre d’eau et une grosse heure après j’ai vu débarqué quelques rescapés du cocktail de la mort me disant : « mais c’est vachement bien ici, pourquoi on n’est pas venus plus tôt ? » et là je me suis dit que la soirée risquait d’être longue, très longue…
Elle l’ a été et vers les trois heures, non quatre moins le quart nous avons quitté l’endroit avec mon ami Andrew nous étions très heureux de ne pas avoir à prendre autre chose que l’ascenseur et un aspirine… !
Donc ça mange, ça boit, ça fume, ça danse même et le monde autour s’écroule…
Si cela ne vous rappelle ni le Titanic, ni Venise alors je ne sais pas comment vous expliquer !
P.S : bon d’accord, le monde ne s’est pas encore écroulé…
Mais on ne peut pas dire , sauf à être un peu benêt :
« Tout va très bien , Madame la Marquise,
tout va très bien , tout va très bien…
un incident, une bêtise ,
la mort de votre jument grise,
mais à part ça, madame la marquise,
tout va très bien, tout va très bien ! »
Excellent Post, on a parfois l'impression ces temps-ci d'être tous sur le Titanic tel que vous le décrivez, avec de temps en temps, des nouvelles de l'un ou de l'autre qui tombe en route.
Rédigé par : judithl | 07 novembre 2008 à 10:26
le pire c'est que le grand qui "a vraiment du charme" n'a même pas dû apercevoir le dizième de la coque du Titanic...
hips...
pas vrai?
courage
Rédigé par : freesia | 06 novembre 2008 à 11:39
Ma petite entreprise ne connait pas la crise.
Rédigé par : KL | 04 novembre 2008 à 18:52
Enfin j'dis ça mais ça fait bien quarante ans qu'on chante vive la crise!
Rédigé par : martingrall | 03 novembre 2008 à 19:36
Les petits métiers ne connaissent pas la crise. C'est bien connu et bien chanté par Bashung. Et par le fumeur de saucisse et par le vendeur de verre soufflé. Et par Steve Job soi-même qui a copié illégalement la chanson ce 23 octobre.
Rédigé par : martingrall | 03 novembre 2008 à 19:34
Fascinant. Merci.
Heureusement Venise restera Venise malgré les effluves nauséabondes venues des raffineries de Mestre :)
Rédigé par : Gondolfo | 03 novembre 2008 à 10:40