On peut se poser la question à la lecture des deux critiques parues de Pierre Assouline et Didier Jacob!
Pourquoi , aujourd'hui encore, publier Christine Angot?
La réponse est assez simple:
ça fait causer!
En bien (plus jamais), en mal (quasiment toujours) mais on en parle, on écrit , on disserte , on explique, et d'ailleurs, la preuve, je n'y échappe pas!
Parce que quand même il faut dire que cela en fait des livres, qu'elle n'en a plus écrit un!
Remarquez il faut croire que plus un éditeur sérieux ne veut d'elle...
Elle en est réduite à publier au Seuil...!
Le Seuil vous vous souvenez cette superbe maison dont on ne se souvenait plus quel était le précédent livre, elle y est!
Je pense même qu'elle n'y est que pour cela...
Pour que l'on parle à nouveau du Seuil parce que franchement pour parler du livre , moi je leur dis "Chapeau" aux copains!
Arriver à lire ce truc ridicule , il faut avoir le devoir de critique chevillé au corps!
Mais bon on se souviendra du Seuil comme étant l'éditeur qui n'a pas refusé Christine Angot...!
Franchement en être réduit à ça...
Enfin chacun fait ce qu'il veut chez lui...
Le Seuil, il semblerait que ce soit plutôt : "Chacun fait ce qu'il peut chez lui"!
Bon je vais arrêter de dire du mal, peut-être qu'un jour , moi aussi, j'en serais réduit à publier Christine Angot et ce jour là , je serai vachement content que l'on parle de moi!
Angot, vous n’y couperez pas. Il en est ainsi avec quelques romans de la rentrée annoncés comme des “événements” étant entendu que l’éditeur fait ce qu’il faut pour que le public s’en aperçoive. Christine Angot est avec Michel Houellebecq et quelques autres, abonnée à ce type de rendez-vous. On n’est pas obligé de s’y rendre. Ses précédents livres, pardon, ses précédents textes comme on dit en pareille situation avec un soupçon d’importance dans la prononciation, n’ayant pas été de mon goût, je lis toujours le nouveau par curiosité, dans l’idée d’être détrompé. Le Marché des amants (317 pages, 17,90 euros, Seuil) se veut un roman sur les frontières de l’amour. Elle, Christine Schwartz dite Angot, femme blanche, écrivain, fréquente le Saint-Germain-des-Près des éditeurs. Lui, Bruno Beausir dit Doc Gynéco, chanteur de rap, métis, plus proche de l’au-delà du périphérique. Deux univers. Il semblerait que s’affranchir des tabous pesant sur cette liaison socialement interdite soit terriblement subversif en 2008. Il paraîtrait même que la question du plus sournois des racismes serait au coeur de ce marché des amants puisque ceux-ci ne sont pas du même monde. Que leurs milieux respectifs s’ignorent, retranchés derrière leurs jugements de castes, leurs codes et leurs rituels. C’est une révélation : on peut passer sa vie à être grugé par des préjugés. Ainsi le vivent-ils. Ils se sont rencontrés au Salon du livre de Brive-la-Gaillarde. Ils se sont plu ; il est vrai qu’il découvrait “pour la première fois une personne blanche qui disait la vérité”. Pour faciliter le travail du lecteur, la quatrième de couverture lui indique même quelle est “la scène emblématique” afin qu’il ne perde pas son temps à la chercher. C’est quand Christine et Bruno roulent la nuit en scooter en direction de la porte de la Chapelle.
Après le journaliste (Pourquoi le Brésil ?) et le banquier (Rendez-vous), le rappeur. Christine Angot poursuit son enquête sur la vie sexuelle du Français. Ce n’est ni indigne, ni provocateur. Même pas scandaleux y compris lorsque Bruno se plaît à baiser Christine tout en regardant un documentaire sur la Shoah, lointain écho d’un autre grand moment dans Pourquoi le Brésil ? sur “l’érotisme des chambres à gaz”. L’écriture en est juste médiocre et le propos sans intérêt. Sans saveur, sans odeur. Même pas musical, un comble en l’espèce. Seule la bienveillance pousserait à dire que les dialogues relèvent du grand art de la platitude ; les “oui” et les “non” y tiennent leur rang en solitaire, désespérément. Le Marché des amants (le corps est une marchandise etc) est une histoire d’amour dans laquelle l’homme essaie tout le temps de sodomiser la femme qui ne veut pas. “D’accord mais attention, te trompe pas de trou” en est la phrase emblématique. Au fond, c’est affaire de kairos. Nous sommes injuste. Page 112, on se prend de sympathie pour le héros. De compassion même. Bruno y avoue n’avoir pas réussi à lire jusqu’au bout Rendez-Vous, le précédent livre de Christine : “C’est pas facile, qu’est-ce que tu crois ? Tu te rends pas compte ” Nous, si. Entre les pages 196 à 199 se loge un synopsis drôle et bien enlevé mais de l’aveu même de Christine, il est de la main de Bruno. On trouvera également un très beau passage aux pages 306-307. C’est un extrait de la page 506 de Mort à crédit. Il faut vraiment être inconscient de sa valeur pour enchâsser trente lignes de Céline dans sa propre prose car cette irruption soudaine et inattendue de littérature annule cruellement tout ce qu’il y a autour. Un vrai choc. On s’en remet vite, dès la page suivante jusqu’à la fin. Aussitôt la lecture achevée, on ne se souvient même plus de quoi ça parlait. De rien peut-être. Et tout ça pour un type qui n’était même pas son genre… Elle dit qu’elle a toujours mis toute sa vie dans ses écrits. Justement, c’est le problème. La photo de la jaquette enveloppant l’objet, sur laquelle on voit Christine errant la nuit près de la Porte de la Chapelle recherchant Vespa désespérément, est signée Nan Goldin, la plus tendance des grands photographes américains, mais aussi la plus passionnante par son exploration de l’intime, de ses douleurs, de ses souffrances, de ses tabous. Voudrait-on dessiner un axe subliminal Goldin-Angot que l’on n’y prendrait pas autrement. Il y a pourtant un monde de l’une à l’autre. Il ne suffit pas de regarder en soi pour faire une oeuvre, encore faut-il le faire en artiste, ce que l’autre n’est pas.
Un roman de Christine Angot
Cucul la Christine
Dans «le Marché des amants», la romancière raconte, par le menu, ses amours avec le chanteur Doc Gyneco. Torride ? Non, insipide
Cucul la christine
Christine hésite. Elle aime Bruno Beausir (Doc Gyneco, pour le Top 50). Mais elle n'est pas non plus insensible à Marc (un journaliste de la presse culturelle). Elle a rencontré Bruno dans une foire littéraire. Brive en novembre, forcément, on cherche le contact. Et on se retrouve à danser un slow au Cardinal, la boîte où les gens du milieu tapent gentiment sur le confrère. Il y a toute la rue de Buci, justement, qui se trémousse sans conviction. Et Bruno au milieu, seul professionnel de la vibe, de la night. «Il bougeait peu, il suivait la musique, je suivais tous ses micromouvements.» Ni une ni deux, Christine tombe amoureuse.
On va donc tout savoir, sur 320 interminables pages, des micromouvements de leur passion. Le sexe, bien sûr. Christine doit être une spécialiste, pense Bruno. A force d'écrire tous ces «livres de cul» (de bonnes âmes ont ainsi décrit à Doc Gyneco, qui lit plutôt Platon et Levinas, l'oeuvre de Christine). Le chanteur doit être d'ailleurs un peu déçu, côté biroute : Christine refuse de la jouer alternatif (la sodomie). Lui, c'est pourtant ce qui le branche. On fera donc ça comme M. Tout-le-Monde. «On faisait l'amour, on jouissait. Il me prenait dans le vagin mais par-derrière, en me demandant de serrer mes jambes et de croiser mes chevilles.» En somme, Doc s'ennuie.
Il tente maintenant la version cage d'escalier, et l'on sent que Christine, un peu tendue tout de même, est toute chavirée de faire ça comme dans un porno, en professionnelle. Ne faut-il pas, du reste, qu'elle justifie d'une manière ou d'une autre sa réputation d'écrivain hard ? «On arrivait chez moi, dans l'entrée en bas de l'immeuble il soulevait ma jupe, une grande jupe large, il me mettait face au mur, baissait mon collant noir, me demandait de me cambrer en prenant appui sur la porte.» Pauvre Christine ! Culbutée par un ex-chanteur populaire, sarkozyste en plus, et obligée de supplier qu'il ne lui joue pas un mauvais tour dans son dos : «Attention, te trompe pas de trou.» «D'accord», répond Doc, dans le feu de l'action. Le lecteur, lui, décrocherait presque son téléphone pour appeler les secours, tant la scène est bouillante, le suspense, haletant. Mais le Comité de défense du trou de Christine peut enfin retourner dormir sur ses deux testicules : «Il était un peu déçu, mais il ne se trompait pas de trou.»
Et sinon, à part les orifices ? C'est l'histoire d'une romancière qui n'est plus ce qu'elle était. Plus la grande styliste fiévreuse qui décrivait comme personne le désarroi féminin, plus la guérillera flamboyante qui pratiquait la littérature comme une action commando, harcelait le langage et le lecteur avec, faisait de lui ce qu'elle voulait, et l'abandonnait aux urgences, pour mort, une fois le livre achevé. La Christine Angot 2008 n'a plus de style. Elle aligne, pour réveiller une phrase qui dort, des dialogues transcrits d'une vie sans intérêt. Et tente de nourrir le personnage qu'elle incarne en jouant, pour faire jeune, pour faire tendance, pour faire Angot, les vamps avec un musicos métis qui l'attire parce que, contrairement à Marc, il n'est pas de son monde à elle.
C'est que Bruno n'a pas ses codes. La conduite non plus (c'est l'accident de scooter qui défraya la presse people). Quand il s'attaque à Léonore, la fille de Christine, flirtant avec elle comme son père le fit na guère avec la romancière (elle y revient sans cesse, et dans ce livre encore, comme si rien ne s'était produit, dans sa vie, d'aussi fort au fond, et qu'elle n'avait jamais rien eu d'autre à raconter qui fût aussi intense), Christine se fâche mollement. Alors qu'elle aurait, il y a quelques années, lâché tout un tapis de bombes sur le décor de son livre ! Christine, rentrée dans le rang : «On ne sortait qu'à la nuit tombée, on entrait dans un musée pour voir un tableau, par exemple «l'Origine du monde» à Orsay.» Oui, Courbet, c'est à la mode en ce moment. Ca attire le pékin. Et puis après ? Je sais. On ira manger des tortellinis devant la télé.
Paradoxe : si le personnage de Christine Angot n'a jamais été aussi cucul la praline, la romancière réussit à donner corps à celui de Bruno, imprévisible, trouble, captivant, moins lisse en tout cas qu'on aurait pu l'attendre : il disparaît inopinément, craint le confort bourgeois qui souvent l'étouffe, aime regarder des DVD avec ses potes, baisse rarement sa garde, sort souvent sa queue. «Il me prenait, me mettait dos à la fenêtre, essayait de baisser mon pantalon pour introduire sa queue, en m'immobilisant contre le mur et la fenêtre. Ou alors j'étais à mon bureau, il la sortait et la mettait devant ma bouche. - Bruno non, non, je te dis. Pas maintenant. Pas comme ça. - Si. - Non Bruno, je ne veux pas. Pas comme ça. - Allez, juste un petit peu.» Ah, l'amour !
«Le Marché des amants», par Christine Angot, Seuil, 320 p., 19,90 euros.
Christine Angot
Née le 7 février 1959 à Châteauroux, Christine Angot est l'auteur d'une quinzaine de livres, dont «Léonore, toujours», «l'Inceste», «Pourquoi le Brésil ?», «Rendez-vous».
Didier Jacob
Le Nouvel Observateur
T'as l'air un peu revanchard sur Christine le noir. Celle qui est déjà métisse à l'intérieur veut faire un fric frac de la partie blanche du gynéco. Attendons le prochain jouet, sujet.
Rédigé par : martingrall | 01 septembre 2008 à 18:22
Je viens de lire le premier chapitre en ligne qui ne rigole pas vraiment(en lien sous mon nom). Assez triste.
Quand je disais que cela me rire cette histoire, c'est que Doc Gyneco, on l'imagine plutôt avec une fille plantureuse un peu idiote, et que Christine A. est vraiment l'archétype de l'intellectuelle compliquée et torturée. Donc l'histoire m'intéresse. Mais la lecture du premier chapitre, me trouble, et oui, c'est triste en fait et très profond. Pas comme j'imaginais. Pas très sexe.
Rédigé par : PC | 30 août 2008 à 23:02
Vous êtes en forme Gillou en ce retour de vacances, je veux bien vous croire que ce livre est nul et que personne ne veut plus la publier. Cependant Flammarion a tout de même reçu le Prix Flore en 2006, en publiant son avant dernier roman, Rendez vous, je ne me trompe pas? Je n'ai lu d'elle que son premier livre qui était bouleversant, et en petite midinette, eh eh, les amours entre Angot et Bruno, me font hurler de rire. Si le livre me passe par hasard sous la main, je vais le lire quand même.
Rédigé par : PC | 30 août 2008 à 20:02