Pierre a écrit une très belle note sur le livre de Gilles Rozier.
J'ai hésité avant de savoir dans quel sens il fallait faire...
J'ai décidé.
D'abord la note, assez longue; ensuite le pourquoi, plus court.
Si vous lisez la note de P.A, la mienne et le livre cela vous semblera très étonnant.
Mais vrai!
Des personnes sous des personnages
Il en va de la lecture d’un roman comme de l’intelligence d’une situation ou de la reconstruction d’un évènement : à chacun sa vérité. On peut en faire l’expérience sur bien des livres. Après avoir lu plusieurs critiques du septième roman de Gilles Rozier Projections privées (315 pages, 20 euros, Denoël), je m’y suis enfin plongé en m’efforçant de les effacer de ma mémoire car aucune ne racontait exactement la même histoire. Pourquoi pas, après tout ? Dès lors qu’il est imprimé, un roman n’appartient plus à l’auteur mais au lecteur. Il en fait ce qu’il veut et les critiques les premiers ne s’en privent pas; ils se l’approprient, parfois pour y projeter leurs propres fantasmes et lui demander en retour de les refléter, voire de les expliquer.
Dans ce roman très maîtrisé qui entrecroise plusieurs voix narratives, l’incendie d’une pharmacie suffit à révéler les ambiguités d’une petite ville de province dans la région où était situé le camp de Beaune-la-Rolande, son mal-être dès qu’elle se retrouve confrontée aux fantômes de l’Occupation. L’intrigue, forte, complexe et digressive, est bien menée. Mais ce qui m’a le plus impressionné, c’est la finesse avec laquelle l’auteur a réussi à tracer les portraits masculins. Trois essentiellement : Philippe Lévy-Saltiel, un personnage odieux, goujat, paranoïaque, maladroit, alcoolique, sans-gêne, désinhibé, fort en gueule mais pathétique et attachant dès lors que l’on découvre ce qui le mine, sa conscience d’être un raté incapable de ne jamais être au niveau de son père, grand cancérologue dont l’ombre l’a toujours écrasé et dont il n’a jamais su quoi faire; son beau-fils Victor, 13 ans, aussi rêveur que travailleur, qui fuit la violence, la grossièreté et la vulgarité ambiantes que sa mère tolère sous leur toit, et qui se réfugie dans la solitude studieuse en se passionnant pour le grec et le latin; enfin Martin Delannoy, son professeur d’humanités, dont la propre famille est assez “mixte” pour lui offrir une identité compliquée…
La folie destructrice de l’un et le trouble jeu de fascination réciproque entre le maître et l’élève ne sont pas seulement des morceaux de bravoure de ce fait divers sous haute tension. Ils le tiennent sur un fil du début à la fin. Qu’importe les clés, à supposer qu’il y en ait. L’art du romancier consiste aussi à faire entendre des voix et à obliger le lecteur à fixer des regards, puis à les laisser le hanter. On entre dans ce roman gagné par le sentiment de rencontrer des personnages, on en ressort avec la conviction d’avoir découvert des personnes. En chair et en maux.
Bonjour,
vous devez absolument lire le livre de Gilles Rozier.
Pour deux raisons,
1) il est formidable, vraiment
2) Philippe Lévy-Saltiel c’est moi…
non mais je veux dire vraiment, dans une de mes vraies vies, il y a plus de dix ans j’ai été lui…
Avec la même vie, pas la même exactement mais cela, il faut lire jusqu’à la fin…
Gilles a fait un roman à partir de mon histoire.
Nous en avons parlé.
J’étais d’accord.
je ne l’ai découvert que fini, imprimé et quasi en vente…
Mais bon…
C’est ainsi!
Pour une fois vous pourrez dire que vous connaissez, au moins via ce blog ou le mien, la personne sous le personnage!
Et surtout merci à Pierre de sa délicatesse et de sa gentillesse;
GCS
Gilles Rozier, le double de Gillou qui aurait évolué favorablement en quelque sorte, mais dont il eût été malavisé de perdre la trace...
Dans le billet de PA l'illustration des statues de Munoz était très belle et esthétique, mais....une photo de Philippe Lévy-Saltiel en plein pêtage de plomb monomaniaque laisse un vide cruel qui oblige le bloggeur à devenir lecteur, forçément.
Rédigé par : chantal | 26 février 2008 à 19:32