Les évitables de la rentrée littéraire
par Christine Ferniot, Baptiste Liger, Delphine Peras, Julien Bisson,
Lire, septembre 2007
Chaque année, c'est la même chose: on tente de nous faire passer des nanars pour des chefs-d'oeuvre. Attention aux apparences, certains livres ne le sont pas. Pour vous éviter des déconvenues (mais aussi de gaspiller votre argent), voici les romans dont tout le monde va vous parler (parce que leurs auteurs sont devenus vaguement pipoles) et qui, pourtant, sont totalement contournables.
P.S: je trouve cela formidable et salutaire!
Ils ont oublié de citer l'évitable de l'été, j'ai nommée Christine Orban. Mais pour le reste ça fait du bien par où ça passe.
Je sais qu'il n' y pas de hasard si cela se fait dans Lire.
Et j'en profite pour saluer l'excellent F.Busnel et l'admirable P.Delaroche qui n'aurait pas du oublier qu'à notre age on ne joue plus au foot avec nos enfants sans y laisser des plumes!
Ne t'inquiètes pas Philippe, il reste du très bon rouge à la maison et nous t'attendons avec impatience avec Héloïse.
Courage!
Chroniques de l'asphalte, t. 2, par Samuel Benchetrit, 248 p., Julliard, 18 euros
Deux ans après ses premières Chroniques de l'asphalte, Samuel Benchetrit remet donc le couvert. Mais c'est peu dire que l'on préfère sauter ce repas! Si le premier tome, consacré aux années d'enfance en banlieue nord, avait de quoi séduire par une certaine forme de candeur, ce deuxième volume déçoit de bout en bout. Brossant le portrait de ses années sombres, entre débuts professionnels et galères financières, jusqu'à la rencontre finale avec son ex-compagne, Marie Trintignant, l'écrivain-réalisateur a choisi la gadoue plutôt que l'asphalte. Dommage. Son défilé d'anecdotes «sensationnelles» est complaisant, glauque, délibérément obscène et ne soulève jamais l'empathie. La phrase qui tue: «Si la vie est une chienne, avec nous elle est en chaleur.» Les suites sont parfois dures à avaler...
Journal intime par Nathalie Rheims 150 p., Léo Scheer, 15 euros
Et si le dernier Nathalie Rheims cachait, derrière ses apparences de «roman d'amour autofictionnel», un Bottin mondain littéraire? En 150 pages (à gros caractères), sont en effet conviés Montaigne, Philippe Lejeune, Robbe-Grillet, Butor, Morand, Genevoix, Queneau, Rousseau, Gide, Sartre, Leiris, Mallarmé, Serge Lebovici, Proust, Roger Martin du Gard, Jean-Marie Vianney, Mara (Journal d'une femme soumise), Bernanos, Fénelon, Jeanne Guyon, Beauvoir, Aragon, Bossuet, Céline, Pierre Pachet, Maurice de Guérin, Benjamin Constant, Casanova, Stendhal, Balzac, Racine, Tchekhov, Kafka, Diderot, Magdalena van Schinne (on oubliait une certaine «Mylène», à qui le livre est dédié), etc. Si les thrillers fantastiques de Nathalie Rheims avaient un côté série Z plutôt sympathique, Journal intime mêle avec une désarmante maladresse souvenirs familiaux et considérations théorico-passionnelles sur le «journal». Verdict: histoire de rester dans le name dropping cher à l'auteur, pour le meilleur, on fait face à du sous-Camille Laurens et, pour le pire, du sous-Christine Orban.
Fin de l'histoire par François Bégaudeau, 136 p., Verticales, 12,50 euros
François Bégaudeau est un malin: jusqu'alors, on avait plutôt apprécié sa prose épileptique sur le football et l'amour, les trentenaires, Mick Jagger ou l'école. A chaque fois, il réussissait à imposer une approche théorique originale sur un sujet maintes fois rebattu. Mais Fin de l'histoire met - hélas! - en lumière toutes les limites du «système Bégaudeau». En reprenant à son compte la fameuse conférence de Florence Aubenas - prétexte assez opportuniste -, l'auteur d'Entre les murs tente de mélanger le discours de l'ex-otage revenue d'Irak (en italique dans le texte) avec des remarques très personnelles sur l'Histoire et le féminisme. Cette fois-ci, la mayonnaise ne prend pas: la superposition de textes - qui voudrait constituer un flux ininterrompu - sonne faux, et le mélange des digressions, tantôt superficielles, tantôt lourdes de sens, ennuie très rapidement. La «tchatche» de Bégaudeau n'étant certes pas sans charme, on en arrive même à voir en Fin de l'histoire, a priori élégie de la femme, un livre de gros dragueur calculateur. Un comble, au vu de son message initial!
Quelques obscurcissements par Alain Fleischer, 166 p., Seuil, 15,80 euros
Un slogan publicitaire disait: «Plus c'est long, plus c'est bon.» C'est le cas des romans d'Alain Fleischer, dont la langue baroque sied admirablement aux pavés de cinq cents pages. Il faut se souvenir des splendides Trapézistes et le rat ou des Ambitions désavouées. Poulidor des prix d'automne, ce fidèle des rentrées littéraires propose cette fois-ci une réédition de Quelques obscurcissements (paru chez Verdier en 1991), bref retour sur les lieux de L'amant en culottes courtes. Histoire de justifier les 15,80 euros (et d'arriver aux 160 pages réglementaires), l'éditeur a jugé bon d'agrémenter ce texte «fond de tiroir» - mineur dans l'oeuvre de Fleischer, et qui n'intéressera même pas ses admirateurs - d'une postface et d'un texte adjacent. Désir masochiste de surfer sur un «bide»? Contrat à honorer? Impôt sur le revenu à régler? Indice: le même Fleischer fait également paraître une nouvelle de 2002 érigée, par jeu de mise en page, en micro-roman, L'ascenseur (Le Cherche Midi)... La phrase qui tue: «C'est pourquoi, sans rien changer à l'écriture originale du texte publié en 1991, je m'autoriserai, en le republiant aujourd'hui, les quelques rectifications imposées par la vérité que seule la littérature m'a permis de découvrir.»
La chapelle des Apparences par Franck Pavloff, 294 p., Albin Michel, 18,50 euros
On se demande parfois où certains écrivains veulent en venir, pourquoi ils ont pu se lancer dans une histoire aussi abracadabrante, et comment ils ont pu imaginer de tels personnages. Cet état d'hébétude, on le ressent à la lecture du nouveau roman de Franck Pavloff. Célèbre depuis Matin brun (tiré à près d'un million d'exemplaires) et salué par le prix France Télévisions 2005 pour Le pont de Ran-Mositar, l'écrivain franco-bulgare semble s'être englué dans un projet dont, après la lecture, on ne comprend toujours pas la raison d'être. Il imagine la rencontre, à la Mostra de Venise, entre un cinéaste grec et un journaliste. Ce sera le début d'une collaboration entre les deux hommes, et d'un tournage qui virera à la folie furieuse. A la fois naïf et confus, le récit s'embourbe dans un style besogneux et des intrigues secondaires sans intérêt, entre deux changements de décor. La phrase qui tue: «Le ciel est une sorte de nursery, ce que tu crois immobile est vivant dans l'univers.» Et si La chapelle des Apparences était un document crypté, comme la Joconde dans le Da Vinci Code?
Maquillages par Eric Halphen 398 p., Rivages, 21,50 euros
On aurait tant aimé l'aimer, ce nouveau polar d'Eric Halphen, après le très ennuyeux Bouillottes en 1999... Las, le juge d'instruction ne réussit pas mieux avec Maquillages, qui tente certes de remplir son cahier des charges... mais l'auteur en fait trop: trop de personnages périphériques sans intérêt, trop de digressions bavardes sur la vie, la mort, le malheur; trop de stéréotypes aussi - un flic homo, ça fait moderne? Et surtout une écriture indigeste au possible, qui se noie dans quantité de descriptions inutiles, d'effets de manches ridicules du style: «A la porte d'Italie, il prit l'avenue éponyme, vaste artère autrefois sans charme mais dont la rénovation récente avait été réalisée avec goût et compétence» (Bertrand Delanoë peut lui dire merci!) Ou encore: «La nuit était belle avec son ciel étoilé, sa lune pleine et l'été en levain.» Il est poète, Eric Halphen, qui nous propose également «des yeux d'un bleu liquide», «le corps repu et l'âme enfarinée» ou bien «l'atmosphère dégageait des effluves de légèreté, de fluidité». Côté dialogues qui tuent: «T'as la dalle?», «Rien à battre», «Quel est le blème, José?»
De ça je me console par Lola Lafon 410 p., Flammarion, 19 euros
Après un brûlot altermondialiste d'une rare faiblesse (Une fièvre impossible à négocier), Lola Lafon revient, plus remontée que jamais, avec un deuxième roman guère plus reluisant: De ça je me console. C'est tant mieux pour elle. Mais on s'étonne de la publication de ces quatre cents pages indigestes qui posent au pamphlet «jeune» et «rebelle». Si l'on peut sauver l'évocation du passé roumain de l'héroïne, l'intrigue générale - autour de la disparition mystérieuse d'une amie italienne et de l'assassinat de son patron - manque terriblement de souffle, de style et d'intérêt. Construit n'importe comment, le livre souffre de considérations sociologiques dignes d'une «gueulante» de Richard Bohringer, et de longueurs qui plombent une histoire déjà claudicante. Cet «accident» éditorial ne doit toutefois pas faire oublier le très bon CD Grandir à l'envers de rien, que Lola Lafon sortit avec son groupe folk-rock. On se console comme on peut...
Dernière morsure par Ariane Fornia 206 p.,, Robert Laffont, 16 euros
On pense à la plume déliée d'une Amélie Nothomb lycéenne et à la causticité d'un Pierre Desproges», soutient l'éditeur: rien que ça! C'est beaucoup (trop) dire de Dernière morsure, le nouveau livre très prétentieux d'Ariane Fornia, bientôt 18 ans, fille de l'ex-socialiste Eric Besson devenue sarkolâtre, forte en thème et se faisant fort de le faire savoir - elle a publié son premier livre à 15 ans, puis un deuxième l'année suivante avec sa maman. Si Dernière morsure se présente comme une sorte de vade-mecum adolescent pittoresque à l'attention des adultes, le propos est très vite plombé par le côté première-de-la classe-qui-sait-tout et par une emphase justement propre aux bons élèves qui n'en peuvent mais. Filant force métaphores «djeunes» qui se veulent spirituelles, Ariane Fornia en fait des tonnes, n'écrit pas «il a cassé sa tirelire» mais «pulvérisé son verrat de porcelaine», ni «son haleine chargée après une soirée bien arrosée» mais «sa caverne buccale abrite la carcasse d'un monstre sacrifié au culte de Dionysos» (regardez comme j'ai des lettres, moi!). Ça en devient saoulant, c'est le cas le dire!
Pour la rédaction, unanime: Julien Bisson, Christine Ferniot, Baptiste Liger et Delphine Peras
> Quels sont selon vous les évitables de la rentrée littéraire ?
Journal intime
Nathalie Rheims
Léo Scheer
Fin de l'histoire
François Bégaudeau
VERTICALES
Quelques obscurcissements
Alain Fleischer
SEUIL
La chapelle des Apparences
Franck Pavloff
Albin Michel
Maquillages
Eric Halphen
RIVAGES
De ça je me console
Lola Lafon
FLAMMARION
Dernière morsure
Ariane Fornia
Robert Laffont
Chroniques de l'asphalte 2/5
Samuel Benchetrit
JULLIARD
Cher Léo,
je suis d'accord avec toi et entends tes arguments d'autant plus que le livre de Nathalie est concerné.
Je me suis expliqué sur le principe et ne suis pas solidaire avec les éditeurs parce qu'ils sont éditeurs, j'essaie d'être un esprit libre et "provoc"..
je considère que le milieu est hypocrite en ne disant jamais ouvertement ce qu'il pense mais en faisant courir des rumeurs.
Qui aurait eu le courage de dire ouvertement que Sulitzer n'écrivait pas une ligne de ses livres quand il était au sommet de sa popularité?
En entretenant un mode de fonctionnement opaque et "copinagesque" (les prix et tutti quanti) on détourne les gens de la littérature et on les conduit devant TF1 ou Marc Lévy (qui est à la littérature ce que TF1 est à la création audio visuelle!)
Pour finir si l'un de nos livres avait été cité j'aurais la même chose, crois moi.
Last but not least l'un des signataires de cet article -critique?- ne veut pas avoir de relation avec nous parce que nous avons du pognon et que nous faisions dans l'image et pas dans la littérature...
Je déjeunerais volontiers un de ces jours avec toi pour que nous parlions de tout cela de vive voix
Bien cordialement à toi
Gilles
Rédigé par : Gillou le Fou | 09 septembre 2007 à 12:40
Chers Héloïse et Gilles, c'est pas trés élègant, pour une maison d'édition, de se réjouir quand les petits camarades se font "dézinguer" et de colporter sur son site des exercices de potaches aussi éloignés de la critique littéraire. C'est vilain de faire ça. En plus cela vous démasque. Vos parents ne vous ont donc pas appris que l'hypocrisie est un vilain défaut?
Léo Scheer (L'éditeur qui fait du sous-Christine Orban, c'est bien connu.)
Rédigé par : Léo Scheer | 08 septembre 2007 à 12:02
Ledru aussi avait arrêté de boire...
Heureusement, j'ai trouvé un truc pour le remettre dans le droit chemin...
Rédigé par : tlaciar | 03 septembre 2007 à 22:37
Tlaciar,
je ne te parle plus...
J'ai arrêté de boire!!!
Oui, je sais...
Cela semble curieux mais c'est ainsi...
À très vite au 104!!!
Merci pour l'info LIRE
Rédigé par : Gillou le Fou | 03 septembre 2007 à 17:50
Kicekilavaidileprem's ???
Rédigé par : TLACIAR | 03 septembre 2007 à 16:52