Je n'aime pas les églises...
Je n'aime pas les messes à la mémoire des morts...
Pourtant, ce matin, en l'église Saint Germain des Prés, c'était...juste.
C'était juste et bien.
Du monde, beaucoup, pas trop, simplement des gens qui étaient venus parce qu'ils aimaient Laurent.
Comment aurait on pu ne pas aimer Laurent?
Son enthousiasme, sa grâce, son élégance, sa subtilité, son amour des livres, des auteurs, des éditeurs, de ses clients...
Bien sûr il était souvent en retard , oubliait certains dîners et traversait les lieux et les situations avec une désarmante ironie.
Pourtant, il avait toujours le mot juste et le sourire adapté, ni trop , ni trop peu...
Ce n'était pas triste, c'était...terrible.
Terrible de se dire qu'il va falloir faire tout cela sans lui, qui nous manque déjà.
Moi qui n'aime pas ce genre de cérémonies, j'ai beaucoup aimé celle là...
Parce qu'elle était à son image...
Ni prétentieuse, ni honteuse.
Juste, simplement juste et digne.
Pour une fois, la dernière malheureusement, nous avons tous été à son niveau...
Tu nous manques, tu me manqueras...
Nous essaierons de faire des livres qui soient ceux que tu aurais aimés.
Mais pour ne pas nous quitter sans que je ne t'énerve une dernière fois je te livre l'interview de Madeleine Chapsal dans le Figaro Littéraire sur...les Prix Littéraires!
Tu ne penses quand même pas que tu vas t'en tirer comme ça!
Ne t'inquiètes pas tu ne cesseras pas de briller demain, loin de là...
Tu incarnais trop la vie pour que nous te lâchions ainsi...
Héloïse et Moi t'embrassons du fond de notre coeur d'où tu ne sortiras pas!
Lâcheur...on t'aime!
Madeleine Chapsal:
Deux mois après son exclusion du jury Femina, la romancière rebondit en proposant une « révolution ».
« JAMAIS je n'aurais pensé que le comité Femina, où je siégeais depuis vingt-cinq ans, me ficherait à la porte du jour au lendemain ! Ce fait divers serait resté sans importance sans la vague, le tsunami que mon exclusion a provoqué !
On m'arrêtait dans la rue : « Vous avez bien fait ! » Comme je n'ai pas fait grand-chose, je me suis interrogée : une grande partie des lecteurs réclamerait-elle la sup pression des prix littéraires ? En auraient-ils ras le bol de cette institution surannée, laquelle, tous les automnes, autorise des maîtres et des maîtresses d'école à attribuer des « récompenses » à des écrivains qui leur sont souvent supérieurs, mais qui n'y peuvent mais ? Des premiers prix, des seconds prix, des prix de consolation, brandis pendant des semaines comme des hochets, puis retirés au dernier moment, à l'humiliation de présumés candidats qui se retrouvent au ban de la classe ! Recalés, rejetés, exclus par des autorités autoproclamées, promptes à établir leur palmarès sans appel !
En quoi ces messieurs et ces dames seraient-ils les juges ultimes de ce qui est littérature et de ce qui ne l'est pas ?
D'ailleurs, que d'erreurs, que de dénis, que d'oublis cette façon de faire perpétue depuis des décennies dans le milieu du livre ! Certains parmi les plus grands n'ont jamais eu de prix. D'autres, portés à la récompense suprême, se plaignent d'en avoir été comme stérilisés...
Le pire, à mes yeux, étant les querelles constantes, venimeuses, que provoque cette chasse aux prix officiellement ouverte à la rentrée, lesquelles en réalité couvent toute l'année. Croyant indispensable à leur prestige comme à leurs tiroirs-caisses d'obtenir un grand prix, les éditeurs choisissent dans leur écurie des « poulains » qu'ils vont chouchouter, entraîner, mettre en avant par tous les moyens. Quitte à négliger ceux qui leur semblent ne pas avoir de chances ou à qui ils ne désirent pas en donner, même s'ils ont davantage de talent !
C'est à la fois un jeu et une guerre - avec des morts, bien entendu, les uns virtuels, les autres réels. En tout cas, c'est la haine, comme chaque fois qu'il y a compétition, préférence, rivalité...
Ce matérialisme, qui pousse la profession à convoiter les prix, à se les disputer par tous les moyens pour en faire de l'argent, nuit à l'évidence à la littérature, à la liberté de création, à la fraternité... N'est-il pas temps de faire la révolution ? Je dis bien « révolution » et non « réfor mes », comme on en propose tous les ans : éliminer des jurys les salariés des maisons d'édition, que les jurés soient tournants et non plus à vie, etc. En quoi ces améliorations louables changeraient-elles le système en profondeur ?
À bas les prix, vive la lecture !
Pourquoi ne pas supprimer tout bonnement les prix littéraires ? Et tous : il y en a en France plus de dix par jour ! Nous, écrivains, nous nous sentirions plus adultes - il serait temps ! - et pourrions nous consacrer à nous rapprocher de nos vrais juges, de nos vrais amis : le public ! Lequel repartirait, lui aussi en adulte, à la chasse de ce seul trésor qu'est le talent - et non plus à celle de bandes de papier avec leur banal label blanc sur rouge.
D'aucuns penseront : « Elle dit ça parce qu'elle n'est plus dans un jury ! » Or Régine Deforges et moi-même avons aussitôt été sollicitées par des mécènes, dont certains prestigieux, pour fonder un nouveau prix. Expérience faite, nous pensons que ces rites compassés finissent par se révéler néfastes à la création. Nous avons donc dit « Non ». L'écriture, n'a besoin ni de labels, ni de formatage, ni de signalétique pour folâtrer librement face à un lectorat enfin laissé à la joyeuse autonomie de son choix ! À bas les prix, vive la lecture ! »
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