Voilà ce que l'on se prépare à nous supprimer !
La liberté de fumer remplacée par la liberté d'enfumer !
L'alcool restera obligatoire (il faut bien soutenir l'économie nationale !)
Donc les fumeurs partiront et les alcooliques resteront...
Cela nous donne déjà un début du débat d'idées (ou l'inverse - l'ivresse ?) pour l'élection - l'érection ? - du Président de la République au suffrage universel... !
Moi, personnellement, j'ai déjà peur...
On avait eu les chasseurs, je ne suis ni pour ni contre, bien au contraire...
Nous allons avoir un duel Fumeurs Déçus/Alcooliques Confortés... !
Littérairement parlant, il faut bien avouer que cela se veaux (pardon se vaut !), néanmoins je ne suis pas absolument certain de la hauteur du plafond... des idées... !
Dans le petit monde qui est le nôtre (l'édition, les " médias ", la politique, l'argent, bref le pouvoir sous toutes ses formes - ou plus exactement ce qu'il croit être) toute relation avec l'une ou l'autre des deux susnommées substances (et je ne parle pas des autres... !) est hypocrite.
Cela étant, ce qui est vrai pour la picole et le tabac est aussi valable pour le reste...
... Hypocrisie donc dans les actes et dans les discours...
" Vous savez nous avons adorééé votre texte mais vraiment, oui vraiment, nous sommes au regret de vous dire qu'il ne s'inscrit pas dans notre ligne éditoriale. Nous vous souhaitons de trouver un éditeur qui saura vous publier comme vous le méritez, et qui donnera à votre excellent livre la place qui lui revient... "
Traduction :
" Putain, c'est vraiment une grosse daube le livre de la femme de machin - ne vous inquiétez pas pour les noms, ils viendront! - que tu m'as filé. Y a pas d'histoire, c'est écrit avec les pieds, les personnages sont pathétiques, elle est vraiment jamais sortie de son quartier de bo-bos cette conne ! "
" Et puis je te raconte pas les fantasmes de la meuf, c'est vraiment urgent qu'elle trouve un amant qui l'emmène dans les boîtes à partouzes! Y'a pas une page sans allusion au cul, c'est dément ! "
" Enfin, tu fais comme tu veux Gilles, mais si tu veux casser l'image de la maison avec un seul bouquin et que tu ne sais pas lequel, n'hésite pas, prends celui-là , t'es sûr de pas te gourrer ! "
" Merci Raphaël, c'est sympa d'avoir non lu...
Non, non c'est pas sympa , c'est trente euros comme d'hab. D'ailleurs cette merde tu voulais que je la lise vite alors ce sera quarante ! "
Voilà l'histoire d'une lettre de refus polie et sa traduction, avant qu'une brave stagiaire ne la tape pour la renvoyer délicatement à une dame, enfin bon, faut pas charrier non plus, j'ai ouvert le bouquin sur cinquante pages, il avait raison, c'était juste entre un mauvais SAS et un très mauvais Harlequin !
C'est donc pour cela, ou à cause de cela, que dans l'édition nous continuerons à fumer, à baiser et à boire.
Mais pas avec n'importe qui...
Entre nous, ou alors avec de jeunes auteur(e)s qui ont un talent, mais un talent... énorme ! Non vraiment, ÉNORME !
Entre nous parce que comme ça, on sait ce qui se passe dans le milieu. Très important de savoir ce qui se passe dans le milieu, vraiment déconnez pas. C'est important, on ne sait pas pour qui, mais c'est TRÈS important.
Des fois qu'on puisse en faire un livre... !
Un livre de cul évidemment et qui ne sera pas meilleur que celui de la dame dont on a refusé le manuscrit...
Oui, mais elle c'est elle, et nous... c'est nous !
C'est d'ailleurs pour montrer que nous sommes éditeurs que nous fumons le Havane, enfin pour certains...
Pas de noms le premier jour...
Enfin, moi, je fume par goût, par nécessité aussi, parce que c'est devenu une drogue dont je ne peux plus me passer. Parce que la première chose que je fais le matin, c'est de rallumer mon vieux mégot de la veille, s'il est assez long ; ou d'entamer, cérémonieusement, un nouveau cigare.
Celui-là , il n'y en a pas de meilleur...
Seul, tôt le matin, avec ce qu'il reste de journaux lisibles mais surtout pas avec les journaux risibles, en buvant un thé, je fume.
Et j'aime ce cigare presque plus que tout autre plaisir matériel au monde. Ce cigare me permet de m'isoler du monde et de réfléchir, tout en volant, au gré des supports papiers, des bribes d'information.
Ce cigare, seul, en marchant sur une plage du Pays Basque, m'a appris plus sur le monde qui nous entoure que tous les flashs infos que j'aurais pu entendre pendant ce temps.
Revenons à nos moutons, à nos éditeurs je veux dire !
Donc, on couche avec une petite au talent ÉNORME, de préférence elle travaille à la météo sur une télé câblée...
Par hasard, bien entendu par hasard. On ne calcule rien, nous, dans l'édition, rien du tout. En général, c'est pour cela que nous faisons faillite les uns après les autres et que nous sommes rachetés par des grands groupes qui nous gardent et nous payent pour... coucher avec des gonzesses qui passent à la télé !
Elle est pas belle, la vie d'éditeur !
Je comprends moi que tout le monde veuille y travailler dans l'édition. C'est un peu comme dans le X mais en plus pseudo intellectuel... enfin c'est ce qu'on croît au début !
Par exemple, c'est dans deux semaines la Foire de Francfort, la plus grande foire d'édition du monde. Et bien pour les chauffeurs de taxis allemands, c'est la pire semaine de l'année. Et vous savez pourquoi ?
J'invente rien, ce sont eux qui me l'ont dit : parce que nous couchons entre nous !
Les constructeurs de voitures, les fabricants de peintures, les industriels de tous poils et les financiers du monde entier, quand ils vont à Francfort, ils font travailler le commerce local, eux !
Nous pas.
Pas besoin.
Comme on ne se voit que deux fois par an, une fois en Octobre, une fois en Mars et que cela dure pendant des années, forcément cela crée des liens...
Ce n'est pas pour cette raison que c'est forcément sado-maso, il y en a qui pratiquent (j'ai dit plus tard les noms, forcément on sait tout dans la mesure où tout le monde couche avec tout le monde ; il faut bien que cela ait quelques petits inconvénients, l'absence totale de pudeur et de discrétion par exemple. Il est très commun de savoir tout des vices de gens a priori insoupçonnables de telles turpitudes... !) mais bon il y a des liaisons qui ont lieu deux fois par an depuis, parfois plus de vingt ou trente ans...
Si c'est pas beau la fidélité dans l'édition quand même... !
Il y a des jours où je me demande si je ne suis pas un peu fleur bleue...
Et que faisons-nous d'autre à Francfort Am Main ?
Nous buvons, bien entendu, nous buvons ; beaucoup même, surtout... de tout !
Alors le soir, après une longue journée de travail harassante (ça c'est vrai, c'est vraiment fatiguant, toute la journée dans un truc quatre fois plus grand que la porte de versailles à courir d'un bâtiment à un autre, un coup pour essayer d'acheter, un autre pour essayer de vendre. Des journées qui commencent à huit heure du mat' pour se terminer à quatre heure du mat', à la Corona pendant huit jours, ça fatigue !) nous nous retrouvons pour parler... de livres, car c'est plus qu'un métier, c'est une passion et un mode de vie.
Et nous parlons de livres en buvant, en regardant passer les filles, et pour quelques jours, quelques jours par an, comme des enfants, nous ne savons plus ni quel jour nous sommes, ni quelle heure il est, emportés par ce plaisir immense : parler encore et toujours de livres, de ceux que nous avons publiés, de ceux que nous avons ratés, de ceux que nous n'aurions pas dû publier, bref de littérature et d'amour des livres.
J'avais oublié de vous dire : il n'y a quasiment pas d'éditeurs français à Francfort qui fréquentent les étrangers... c'est peut-être pour cela que leur Francfort n'est pas exactement le nôtre...
A Francfort, à part le génial Christian Bourgois, et l'excellent Olivier Cohen (des éditions de L'Olivier) personne des noms connus de l'édition française (exceptée Térésa Crimisi) ne fréquente d'éditeurs étrangers (Olivier Nora, je te présente mes fraternelles excuses, tu en vois quelques-uns mais tu ne participes pas à nos dîners cosmopolites, ce que je regrette, comme je profite de ta bienveillante présence chaque fois que tu es là).
Et donc, dans cette atmosphère totalement schizophrénique, nous fumons et buvons, beaucoup.
Et la littérature n'en sort pas diminuée, loin de là. Car les meilleurs livres (certains en tout cas) viennent d'échanges effectués à Francfort.
Dans l'alcool et le tabac...
Sans la moindre hypocrisie...
C'est curieux ce mal français...
Je viens de t'envoyer un troisième mail Gilles, visiblement les deux premiers se sont égarés dans les méandres internetesques !
Rédigé par : Rose | 25 septembre 2006 à 17:09
@ Rose,
il faut m'envoyer un petit mail parce que sur le blog je n'ai pas vu comment on peut se parler...
P.S: j'ai du Glenfiddich!
Rédigé par : gilles | 25 septembre 2006 à 08:40
Génial article :p J'ai moi-même travaillé près de vingt ans dans l'édition parisienne (au fait, je cherche un boulot depuis que j'ai déménagé en province et je n'ai rien contre le télétravail !) et en plus dans un service de droits étrangers. Alors Francfort... C'est tellement vrai ! Mais n'oublions pas non plus que souvent les "coups" (littéraires s'entend mdr !) sont préparés à l'avance avec les envois des manus ou des épreuves avec précisions à l'appui que les enchères auront lieu à Ff !!! Et certes, faire appel à radio couloir une fois sur place pour faire monter la sauce (indispensable la sauce nespas ?).
Toutefois, toutefois... je tiens à préciser que nous rencontrions de 9h à 18h exclusivement des partenaires étrangers !!!Et oui, les journées harassantes, sans même de pause déjeuner je connais, paradoxalement c'est le pied !
Au fait, pour info, je travaillais au Seuil... jusqu'à notre rachat par La Martinière :(
N'hésitez pas à me contacter, je reste accro à notre monde de l'édition lol !
Rose fumeuse invétérée qui ne crache pas sur un bon Glenfiddich !
Rédigé par : Rose | 22 septembre 2006 à 16:10
Acide et lucide, Gilles!
Mais passionné...
Je n'aime pas le monde aseptisé que d'aucuns voudraient bien nous concocter.
Tchin!
Rédigé par : céleste | 21 septembre 2006 à 14:55
Prétendre qu'un SAS, n'importe lequel, pourraît être mauvais relève de la calomnie !!!
Rédigé par : Francois | 21 septembre 2006 à 12:33