Ce matin du 21 octobre fut loin d’être idyllique. Tout d’abord, lorsque j’ai ouvert les yeux à sept heures, ça a été pour me rendre compte que mon ordinateur portable ET mon réveil avaient opéré un suicide collectif et rendu l’âme ensemble. Que de joie pour moi, qui suis du genre superstitieuse quand la journée qui va suivre est importante… décidant de passer outre, je me suis dirigée joyeusement (et les yeux encore fermés) dans la cuisine, où bien évidemment, mon bol de Special K fruits rouges n’est pas passé. Vous me direz, comme s’il avait pu me nourrir de toute façon. Petit déjeuner raté, donc. J’avais de plus en plus l’impression que le stress montait ; sérieusement, je n’avais jamais encore expérimenté une telle tension dans la maison. Ma maman chérie paniquait pour un rien, mon papa chéri riait pour un rien, et moi, j’ai eu la formidable surprise de voir que nos chers amis grévistes avaient bloqué le dépôt de bus (pour changer). Direction la voiture, et le parcours du combattant pour trouver une place parking. Pour une fois, j’aurais accepté toutes les réformes du monde, pour peu que leur mouvement social ne nous énerve pas plus qu’il ne le faisait déjà.
J’ai eu la nausée avant même de monter dans le train. Joyeux. Devant moi, un bébé s’époumonait. Le trajet s’annonçait panaché de vocalises sublimes. J’ai fermé les yeux, déjà fatiguée... c’était bien parti.
Passage éclair à l’hôtel, un quatre étoiles, chouette ! Mais stress, encore et toujours… « On va peut-être y aller ? On devrait être là-bas vers 13h. » « On a tout notre temps, chérie ! » « Il est 12h 30, maman. » Course dans le métro, j’ai cru perdre mon père en route plusieurs fois ; il marchait vite, un peu trop pour nous. J’aime beaucoup le métro parisien, c’est en endroit tellement gris et ingrat qu’il ressemble à un cliché de ‘mal famé’. Sauf que je n’ai pas eu le temps de m’extasier sur les tunnels, nous nous sommes installés dans une rame et avons été accueillis par une panne de courant (j’ai apprécié, merci la RATP).
Le bâtiment était magnifique ! Un vrai petit bijou, sa cour intérieure ; aucun son, on était loin de l’agitation de la route. J’ai enfin rencontré les autres, et s’il y a un mot pour décrire ce moment, c’est bien… silence. Agathe, souriante (je me rends d’ailleurs compte qu’elle l’a été tout au long de la journée) a éconduit mes parents, puis calme plat. On a descendu cinq étages ainsi. Il y a eu deux ou trois murmures, sans plus. On s’est toutes senties un peu mal à l’aise, je pense ; en tout cas, moi, oui.
Rencontre avec Héloïse d’Ormesson et Florence Robert ; « Asseyez-vous, asseyez-vous ! » à défaut de s’asseoir, nous sommes restées immobiles à un bout de la salle à manger, comme si les hauts plafonds blancs allaient nous tomber dessus d’un moment à un autre. Tout me paraissait un peu trop parfait, et je me demandais si on allait rester silencieuses toute la journée. Finalement, il a bien fallu choisir une place. Je me suis retrouvée en milieu de table, juste en face de Mme d’Ormesson. Ca m’a un peu intimidée au départ ; et puis, notre Agathe nationale a dit quelque chose, tout le monde a ri. Les silences sont revenus après, mais jamais aussi longs. Les questions ont fusé, on y a répondu chacune notre tour. Tout le monde s’est détendu peu à peu. Vers la fin du déjeuner, j’avais enfin retenu tous les noms et les nouvelles qui y étaient rattachés ; une gêne en moins. Nous avons appris à nous connaître un peu mieux, avons parlé de sujets qui parfois n’avaient pas grand-chose à voir avec ce pourquoi nous étions là. J’ai appris, dans la foulée, que les lycées respectifs des filles étaient très fiers d’elles ; et j’ai pensé à l’administration du mien qui pour toute réaction… a demandé un mot de mes parents. Pour la peine, je ne vous le donnerai même pas, na.
Après cette heure, on parlait, riait et plaisantait sans gêne. Quand Anne, lauréate rescapée des manifestations de Toulouse (mention spéciale pour son courage !), est enfin arrivée, l’ambiance était déjà très agréable ; on ne confondait presque plus nos prénoms, c’est dire ! Et heureusement qu’on commençait à être soudées, parce que Gérard le photographe allait nous mettre à rude épreuve.
Je crois que je me souviendrai longtemps de cette heure de ‘shooting’. Dieu merci, on a échappé à la redoutée pyramide ; mais Gérard avait de la créativité à revendre. Deux minutes appuyées contre un arbre, tordues dans une position pas possible, nous en donnèrent un avant-goût. Au cours de cette joyeuse prise de portraits, nous avons dû : nous allonger en étoile sur une pelouse humide, marcher en rang dans des feuilles mortes, passer quarante fois le même passage piéton pour un remake des Beatles (mon regard sur les passages piétons a changé à jamais), et puis surtout, sourire, sourire, et encore sourire… ajouter à ça les vannes du photographe qui prenait certainement plaisir à nous martyriser, Agathe qui était ravie de ne pas se trouver à notre place, des discussions très philosophiques sur nos nouvelles et la mention inopinée d’un cochon volant, je crois que j’ai gagné quinze ans de vie par la thérapie du rire. Et que les touristes du jardin du Luxembourg ont catalogué notre bande ‘spécimens étranges’, mais ça, c’était inévitable.
Pour changement de décor, changement de tenue. Heureusement qu’Audrey a été là pour nous dire de nous y mettre, sinon je crois qu’on se serait noyées dans les dédicaces (chose pour laquelle je me suis découvert une inspiration quasi-divine… ironie, bien sûr).
Nous voilà donc, dans nos tenues d’apparat, dans l’hôtel de ville. Inutile de dire que le décor était magnifique. On n’a pas pu s’empêcher de se prendre mutuellement en photo sur le grand escalier de l’entrée, avec nos portables (parce que Juliette avait son appareil, mais sans la carte mémoire, ce n’était pas pratique). Puis découverte du salon, de l’estrade, montée de ‘ouaaah’, et arrivée des premiers parents. « Je ne quitterai pas mon gilet rouge, restez près de moi », nous informe Agathe. « On restera près du buffet », interprétons-nous… une heure de photos et une cavalcade dans les rues de Paris, ça donne faim ! Eh non, on n’a pas réussi à approcher ce buffet-là de toute la soirée. Ce qui a bien fait rire les ex-lauréats, venus pour nous narguer avec leurs macarons. Et en plus, ils nous ont fait peur en nous prévenant qu’il y aurait un discours à faire ; nous ont soulagé en riant et en assurant que c’était une blague ; et nous ont fait tomber des nues lorsqu’Erik Orsenna, académicien à l’humour décapant, nous a gentiment demandé de toucher deux mots à l’assemblée. Ce coup-là, on ne l’oubliera pas. Merci Pierre-François, celui-qui-a-l’art-de-faire-sursauter-les-gens-en-apparaissant-derrière-eux (mais qu’on aime quand même, hein).
Soirée fabuleuse, en somme. Passée un peu trop vite, cependant. Quelques dizaines de dédicaces, des rétines tuées par les flashs, des journalistes partout, on nous a demandées ça et là, interrogées, félicitées, et on s’est retirées vers la fin avec les ex-lauréats, pour échanger nos mails, nos encouragements et nos délires. Juste avant de sortir, j’ai rencontré la mère et la grand-mère de Clara, surnommée ‘Mamie Lys’. Je me suis sentie proche d’elles, qui avaient aussi une histoire en Bretagne… et puis pouf ! Je suis retournée dehors, dans la grisaille du métro, entre ma mère qui m’assaillait de questions, et mon père qui tentait de la calmer.
Le stress passé, les paillettes étouffées, le lendemain fut une promenade dans Paris avec mes parents, tranquille, sans musées ni emploi du temps, comme j’en avais souvent eu envie.
Mais ce jeudi-là restera longtemps dans ma mémoire. Un grand merci au jury, plus particulièrement à son président et à Héloïse d’Ormesson, et bien sûr, un hug énorme aux filles ! Agathe, une attachée de communication géniale, Audrey, toujours là pour nous booster, et puis à vous, Juliette, Coralie, Justine, Anne-Laure et Anne !
Catherine Touche
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Rédigé par : https://www.rebelmouse.com/EatStopEatReviewed/ | 09 novembre 2013 à 09:27
Félicitations.
Rédigé par : Estranged | 31 octobre 2010 à 14:46