Voici un magnifique papier de Léonora Miano au sujet du dernier né de Georges Yémy, Tarmac des
hirondelles, publié chez Eho en mars dernier... et en librairie depuis;-)
L’histoire se déroule dans un territoire imaginaire. Si cet espace métaphorise de manière évidente l’Afrique centrale, il est le lieu de vie de tous les peuples agressés du continent africain. Ces peuples gouvernés par des gens qui semblent les considérer comme des ennemis. Bienvenue donc, au Wasambonji. Le texte nous apprend que ce nom signifie : le pays des fleurs. Les locuteurs de la langue douala du Cameroun sont en mesure d’apporter quelques précisions. Wasambonji, c’est, en effet, la terre des fleurs, mais cela signifie également : sous les fleurs. Cette acception du terme a peut-être échappé à la pensée de l’auteur - ou peut-être pas - mais son intuition l’a bien saisie, et c’est elle qui imprime sa marque au livre. Avec Tarmac des hirondelles, Georges Yémy propose un roman du souterrain.
Les fleurs sont une possibilité, ce vers quoi il faudrait chercher à se hisser. C’est même ce qui a déjà été accordé, puisqu’elles sont si proches qu’il n’y aurait qu’à étendre la main : faire le bon choix. L’Afrique centrale est celle des enfants gâtés du continent. Celle des pays les plus riches. Ceux où chacun pourrait mener une existence d’homme digne. Envisager sereinement le futur. Néanmoins, certains en ont décidé autrement. Ils ont piétiné les fleurs. C’est bel et bien la volonté de ces pères assassins, comme le roman les qualifie, qui a plongé des peuples entiers au fond de tunnels sombres et apparemment infinis. D’ailleurs, la veine symbolique que choisit Yémy pour rédiger son acte d’accusation ne se gêne pas pour citer nommément quelques dictateurs africains bien connus et encore en activité.
Contrairement à ce qu’il pourrait sembler au départ, Tarmac des
hirondelles n’est pas, à proprement parler, un roman sur les enfants de
la guerre. Muna Nussadi est certes un ancien enfant-soldat. Il est
surtout, à travers son parcours halluciné, l’incarnation de ceux qu’on
met à mort dès l’instant où ils naissent, mais qui en réchapperont. Il
est l’avenir mutilé qui ne se résigne pas. Il est la lumière qu’on ne
pourra pas empêcher de briller, parce que telle est sa mission, sa
raison d’être. Derrière une imagerie digne de l’Apocalypse de Jean, ce
roman parle d’espérance. Les souffrances du présent, dont la
description par le texte est multiforme, ne sont pas évoquées de
manière purement factuelle. Ce qui est décrit, c’est surtout la façon
dont elles affectent intérieurement les êtres.
A ce jour, peu de textes ont offert une représentation aussi exacte de
ce que vivent bien des Africains contemporains dans leur intime.
Surtout les plus jeunes. Ces choses sont indicibles. La fiction, en
tant qu’elle est un mode très particulier de compréhension du monde,
peut aborder cela. L’esthétique de l’obscur que Yémy élabore, rend
compte, à travers les images qu’elle produit, de ce que le discours
commun ne peut relater. La langue très écrite, émaillée de néologismes
et d’emprunts soit au douala, soit au pidgin english du Cameroun,
renforce une impression d’éclatement. Qu’on ne s’y trompe pas,
cependant : c’est l’oppression qui doit arriver à son terme. Pour que
croissent les roses.
Je ne vais pas vous dire que j'ai adoré le livre de Georges, vous le savez déjà ("adoré" ne doit pas être le bon mot, mais pas le temps ce matin...). Saviez-vous qu'il y a un groupe Georges Yémy sur facebook?
Saviez-vous aussi qu'on s'ennuie terriblement depuis que vous avez pris des vacances blogosphèriques?
Votre dernier billet (à vous, je veux dire) date du 3 juin...
Rédigé par : ecaterina | 16 juin 2008 à 09:15
Wow ! Joli papier de Léonora Miano, qui me donne envie de lire et Yémy, et sa prose car grâce à votre lien vers son site j'ai pu lire un extrait qui m'a convaincue.
Je l'avais repérée déjà chez FOG, tenant tête à Le Pen, elle a les ovaires bien accrochés !
http://www.dailymotion.com/bridgetower/video/x419zw_le-pen-obama-et-les-noirsfog12108_politics
Rédigé par : Loïs de Murphy | 12 juin 2008 à 07:36