Il faut essayer d'être juste...
La semaine dernière j'ai publié une critique de cinéma en la critiquant très négativement...
Voici une critique littéraire venant du même endroit (Libération) mais qui donne envie de lire ce qu'elle décrit avec talent plutôt que de se moquer d'elle...
Donc , bien que le cahier livres de Libération n'ai jamais parlé d'un de nos livres, voici une excellente critique littéraire de Philippe Lançon
P.S: je n'attends rien en retour...
Je fais mon boulot sans à priori, moi, Mr Loret...
P.P.S: cette critique , le texte, est exigeante et longue...
Elle est l'illustration que la littérature ne se crée pas dans la facilité et se mérite...
Donc ce n'est pas Jérôme Béglé parlant de Florian Zeller...
Désolé...
J'ai pas pu m'empêcher!
A Noël, tout s'éteint. Frédéric Berthet tombe à 49 ans, seul, dans son appartement parisien, la nuit du 24 au 25 décembre 2003. La femme de ménage de l'écrivain arrive comme prévu au matin. Elle ne peut ouvrir l porte. Alertée par un rêve prémonitoire, sa mère prévient l'ami intime, le graveur Norbert Cassegrain. Les pompiers entrent par la fenêtre. La lumière est allumée. Le corps est là. A ses débuts, dans Journal de Trêve, Berthet écrivait : «J'aimerais de ma vie qu'elle tienne en une phrase dont on aimerait connaître la suite, du genre : "le cavalier français qui partit d'un si bon pas".»
Trois ans ont passé. Dans l'appartement, rien n'a bougé. Cassegrain vit presque ici, parmi les manuscrits qu'il classe, rangés sur le sol. Le temps est suspendu aux papiers du mort. La valise et la mallette dans lesquelles il les transportait semblent ouvertes de la veille. Berthet va peut-être rentrer ? Il vacillera légèrement il tombait souvent et dira par exemple : «J'improvise un équilibre entre le couteau et la cible.» C'est sa silhouette, son humour. Cassegrain prévoit une édition générale des oeuvres pour 2009 : «Je ne veux pas le restituer dans son intégralité, mais dans son intégrité.» Il parle, parle, parle et rit, comme si l'enthousiasme pouvait éponger la perte. Son travail d'artiste est pour quelques années oublié. C'est lui qui a donné à Philippe Sollers, principal éditeur de Berthet, les quatre cahiers manuscrits du Journal de Trêve .
Les baigneuses en négociation
Ils reposaient dans un placard à trois pas du défunt. Berthet les composa entre 1979 et 1982. Nul n'en connaissait l'existence. Aujourd'hui publiées, ces six cents pages changent la perspective sur l'auteur. Par leur qualité, d'abord. C'est ce qu'il a fait de mieux : le raté a réussi son coup, et d'emblée. Une ou deux révélations par page des phrases d'une élégance de salon, d'une vivacité de murène, sur le fil et filant dans les lueurs qu'elles projettent. Deux d'entre-elles expliquent comment ça passe le mur du ton : «La phrase : ou comment la pensée me vient par surprise.» ; «la phrase fait l'assomption du psychologique». Dans les papiers triés au sol, un dossier est consacré à Proust, un autre à une «théorie du flash». Au hasard, on lit ceci : «Il n'y a pas d'oeuvre intime, parce que quiconque écrit habite à peine avec lui-même.» Ecrire ? Une affaire d'absence.
Les phrases du Journal de Trêve ont parfois leurs mystères : «De tous : ils seront morts sans avoir rien dit. Et je vais de rencontre en rencontre comme un prêtre déçu par les agonies.» Ou leur fouetté : «Elle était la seule, puis, ce n'est pas qu'il y en eut d'autres, elle ne fut plus la seule, et il n'y en eut plus.» Le ressort : «Trouver chaque fois la phrase qui va écrire les 3 ou 4 suivantes.»
Si le livre change la perspective, c'est parce qu'il annonce la suite, ou plutôt : la fait flamber. Tenant le journal d'un roman qu'il n'est pas question d'écrire, puisque le seul livre, c'est ça, Berthet part de haut et abat d'emblée son jeu : celui d'un homme «aussi désemparé qu'un enfant sur un tas de sable» qui, ensuite, ne pourra plus jamais que faire moins bien. Il a 25 ans, personne n'écrit comme ça à cet âge, on dirait qu'il le sait : «Vous en connaissez beaucoup, vous, des petits malins qui prennent leur départ sur la ligne d'arrivée ?» Berthet publiera deux recueils de nouvelles ( Felicidad et Simple journée d'été, aujourd'hui republié, composé en parallèle et en écho à Journal de Trêve ), en 1988 un roman (Daimler s'en va), puis un récit (Paris-Berry) et un petit essai (le Retour de Bouvard et Pécuchet). Journal de Trêve, posthume et le meilleur d'entre tous, ferme le rideau à peine ouvert. On y lit qu'il n'est pas besoin de vieillir pour comprendre que «le désespoir est une chose qui se mérite».
Le livre assemble des scènes de roman, des réminiscences par flashes, des réflexions de moraliste non datées. Les unes sont écrites à la main, les autres tapées à la machine puis collées sur les pages du cahier. La discontinuité alimente la progression : on voit évoluer la conscience d'un homme jeune à travers sa pensée, ses souvenirs, son imagination, ses copeaux de fiction. Les personnages naissent de l'auteur qui naît de ses personnages. Le rêve littéraire tamise tout, les jeunes filles l'aiguisent : elles sont les couteaux transparents qui incisent le paradis perdu de l'enfance et de l'adolescence. «J'ai plus de souvenirs que si j'avais dix ans», écrit Berthet. Dans ces souvenirs, «il faisait incroyablement beau, et toutes les baigneuses étaient en négociation avec l'éternité». Journal de Trêve est l'électrocardiogramme d'un malade qui ne pense, sent et vit que par la littérature, comme envers du paradis perdu : «La littérature nous connaît trop, et nous ne la connaissons pas assez. Nous n'avons pas été présentés.
Le salut par l'écriture ? me demande Constance.
Non, l'écriture pour pouvoir se passer du salut.»
Ecrire établit les conditions du constat : l'écrivain est dans ce lieu où «l'événement est la justification tardive de la sensation». Celle de sa propre mort est partout. 1981 : «FIN. Alors je ne sais pas ce qui arriva, mais je fus saisi soudain de désespoir, et, chose étrange, d'étonnement également. Ces deux sentiments étaient aussi violents l'un que l'autre, et intimement mêlés. Je ne sais pas si je fus d'abord près du désespoir, puis submergé par l'étonnement par l'étonnement d'avoir accès si brièvement à un désespoir d'une telle qualité ou bien si l'étonnement vint à moi d'abord, que quelque chose ou quelqu'un, une pensée ou une révélation, me plongèrent dans la stupéfaction, et qu'immédiatement après le désespoir lui succéda. Je ne sais pas. J'aurais peut-être dû mourir ainsi, à ce moment précis : j'aurais gardé sur mon visage quelques indices de mon état, qui seraient devenus autant d'énigmes. Et le lendemain, quand la femme de ménage venue du village voisin...» Il est rare qu'on décrive ainsi sa fin vingt ans avant. C'est qu'elle était déjà là : «Frédéric a renoncé à son intelligence pour être le héros de son propre malheur, dit l'écrivain Jean Thibaudeau. C'est une histoire bouleversante.»
Le point de vue renversé
Berthet est tombé près de la seconde fenêtre du salon comme certains de ses personnages, ciel par-dessus tête. Tomber, toujours : voir depuis du point de chute. «Le point de vue renversé, dit Cassegrain, est fondamental chez lui. Comme à la fin de Gastby le Magnifique. » Berthet a beaucoup lu Fitzgerald : ses nouvelles, les premières surtout, celles de Simple journée d'été, précisent par les dialogues la joie triste d'une jeunesse trop fine pour son âge et trop sensible pour les suivants. Berthet tombe comme Gatsby, par choix, par légèreté, ou comme le cafard de Kafka, par destin, comme on voudra, au pied du mur, cul par-dessus lendemain de fête. Il connaissait quasiment par coeur le Journal de Kafka. Il aimait Chopin, Mozart, les Pink Floyd, Alain Chamfort, China Girl de David Bowie. Sur la dernière page du dernier cahier de Journal de Trêve, il a collé l'étiquette d' Avalon, de Roxy Music : un chevalier avec un faucon, au crépuscule. Dans sa cage littéraire, outre Kafka et Fitzgerald, Philip Roth et Saul Bellow, il y a Proust, Pascal et, à la source de tout, saint Augustin. La manière dont il l'évoque restitue bien sa personnalité : «Je sortirais bien un quarante-cinq tours si je pensais pouvoir parler de saint Augustin avec les disc-jockeys. Mais ça, ça les rend agressifs ; quant aux augustiniens, les disc-jockeys sont pour eux des créatures plus improbables que les anges.»
A son enterrement, Philippe Sollers lit sur le cercueil un passage des Confessions de saint Augustin, puis ébauche trois applaudissements délicats, «presque ombrés». L'expression est de Jean Echenoz, qui pleure à côté. «Frédéric était absolument saisi par la littérature, dit l'auteur de Je m'en vais. Des comme ça, j'en ai peu vu. C'est peut-être celui avec qui j'en ai le plus parlé. C'était une passion tragique, l'axe de sa vie : à la fois pris là-dedans, et butant contre. Journal de Trêve m'a stupéfié : on lit tout ce qui allait advenir et qui n'est pas advenu, précisément pour ça.» Trop vite, trop tôt, trop loin : c'est Berthet. Revenant des obsèques, Echenoz relit Paris-Berry : «J'étais effondré, j'avais le sentiment d'une catastrophe.»
Jean Echenoz, comme d'autres, ne voyait plus Berthet : le vieux jeune homme buvait trop. L'alcool détrempait ses discours, naguère si vifs. Quand ses amis parlent de sa vie, on ne sait jamais si c'est des livres ou du personnage que ces livres ont contribué à faire de lui. Les deux, évidemment. Berthet dort dans la zone de pudeur que son style a créée. Depuis, il semble un regret, ou un remords, pour les autres : mieux que personne, il symbolise leurs angoisses, leurs échecs. Journal de Trêve : «On dirait que tous les écrivains se sont donné le mot pour rater quelque chose, le rater soigneusement, méticuleusement, et puis se donner quelques années à vivre encore, la réserve d'oxygène en fin de parcours, pour raconter ce qui leur est arrivé, quand ce n'est pas, faute d'un minimum d'humour, l'histoire d'un livre raté qui fait l'histoire de ce ratage.» Sauf que le livre posthume est réussi. Lapin hors du haut-de-forme funéraire : fin de la mythologie romantique.
Dans l'appartement du mort, le grand bureau de bois sur lequel il écrivait est toujours là : c'est celui du père. En 1944, André Berthet achète aux enchères un petit journal, la Vie des métiers. Il le fait fleurir : 75 éditions nationales couvrent chacune sa profession. Quatre ans plus tard, il crée deux magazines, Pour vous madame et Pour vous monsieur. Le voilà riche, parisien, influent. C'est un chrétien de gauche, un humaniste. Des pressions qu'il qualifiera de mafieuses l'obligent à tout revendre en 1961, écrit-il dans une lettre, à un grand groupe de «la presse du crime, du coeur et du mensonge». L'homme qui rentre à Lyon avec sa famille possède une fortune, mais c'est un mort-vivant : il ne travaillera plus et ne cessera de parler de «chute» et de suicide à ses deux enfants.
Un travail à New York
L'historien de l'art Jean-François Chevrier, ami de jeunesse de Berthet, qu'il rencontra au lycée du Parc, se souvient de l'appartement familial : «Un long couloir conduisait au bureau du père, au fond, sur toute la largeur. La grande bibliothèque vitrée était derrière. Deux immenses statues de nègres encadraient l'entrée. Le couloir distribuait les autres pièces comme des alvéoles. Les chambres des enfants étaient toutes petites, sur le côté. C'était étouffant, ces petites chambres, dans cette atmosphère lourde et confinée. Ce père était un taureau blessé, un vaincu.» La bibliothèque et le bureau suivront le fils à Paris jusqu'à sa mort ; ils y sont encore.
Les vacances d'enfance ont lieu dans des hôtels ou dans les belles propriétés familiales, près de Lyon et à Giens. Au lycée, Berthet et Chevrier sont des élèves d'exception. Ils ont 17 ans, suivent une khâgne, écrivent à Jean Thibaudeau, de Tel Quel, dont ils apprécient les livres. Il les rencontre : «Ils étaient sous pression, tous les deux. Ils parlaient et pensaient à une vitesse vertigineuse. Des gens qui fonctionnent comme ça, à cet âge-là, ça se rencontre une fois dans la vie, ou pas. Frédéric croyait en la littérature comme seul peut-être Kafka.» Chevrier nuance ce jugement : «Avec Frédéric, on était en plein dans la littérature sentimentale. C'était Frédéric Moreau.» Mais Sollers, comme Echenoz, en confirme l'intensité : «Je ne suis que littérature, aurait-il pu dire.» Kafka est déjà son obsession : «Il était dedans», dit Chevrier.
En septembre 1974, Thibaudeau est invité à Cerisy, pour un colloque devenu fameux sur le poète Francis Ponge. Il décide d'y emmener les deux garçons, qui ne sont pas invités. Entre-temps, ils sont entrés à l'Ecole normale supérieure. Une semaine avant, les trois s'enferment dans un appartement du Touquet. Thibaudeau : «On a travaillé jour et nuit sur l'oeuvre de Ponge, relisant tout, notant tout ce qui nous passait par la tête. Il y en avait toujours un qui était éveillé.» Ils arrivent au colloque dans une petite voiture de sport rouge, offerte à Berthet par son père. Le lendemain, Thibaudeau doit intervenir seul, au matin, avant d'autres, pendant vingt minutes. Les deux garçons le suivent à la table. Le trio parle de Ponge jusqu'au soir : «On a fait scandale. On avançait des trucs insensés avec la plus grande mauvaise foi.» Ponge écrira que ce fut le meilleur moment du colloque.
En 1977, Chevrier fait rencontrer Roland Barthes à Berthet, qui en devient proche. Barthes voudrait en faire son assistant au Collège de France ; c'est impossible. Ils se parlent, s'écrivent. Dans une lettre inédite du 16 novembre 1979 (à paraître dans la revue l'Infini ), Berthet écrit : «La littérature demande quelque chose de pire que la cruauté envers l'entourage, une sorte de destin affectueux où la souffrance se répartit également, en fin de compte, des deux côtés, et qui demande de quiconque veut écrire un prodigieux renouvellement d'êtres, de lieux et de corps, sorte de compensation exigée par une activité qui travaille peut-être, et au contraire, dans une extinction des êtres, des lieux et des corps.» En 1980, une camionnette renverse Barthes. «Nous sommes allés le voir ensemble à l'hôpital où il agonisait, se souvient Sollers. J'entends encore Berthet me dire à la sortie : quel désastre ! Il était effondré.» L'amitié et la littérature mouraient. Berthet n'écrira plus de texte théorique.
Trois ans plus tard, il se brouille avec son ami Chevrier comme il le fera avec d'autres : il a déjà la manie de tenter de séduire les femmes des autres, «une névrose». Il vit alors de ses rentes, entre par le son et lumière dans les années quatre-vingt : fêtes, mondanités, mannequins, actrices ; mais sans la force nécessaire pour cloisonner sa sensibilité. En 1984, il devient attaché culturel à New York : ce sera, pendant trois ans, son seul métier. Son père, qui tenait lui-même un journal, aurait voulu qu'il soit écrivain-diplomate. Là-bas, Berthet prend cette expression : «Vous voulez un peu de gin and tonic ?»
Des écrivains sont invités à New York. Il fréquente les nouveaux hussards, émet parfois des opinions de droite. Son travail d'esclave diplomatique ne le rend pas heureux. Des femmes passent. Elles ressemblent à ça : «Elle secoua ses cheveux châtain clair, trempa ses lèvres dans un verre de porto blanc et ouvrit son sac. C'était une fille à vous couper le souffle ; enfin, songea Trimbert, c'était le genre de phrases que j'aurais pu écrire il y a dix ans.» Des nouvelles s'écrivent. Elles ressemblent à ça : «D'une certaine façon, il existe des êtres qui ne se développent pas : il n'est pas de leur nature, ni de leur volonté de le faire. De sorte que parler trop longuement d'eux reviendrait à leur faire la même injure probable que la vie, lorsqu'elle dure inutilement. Ils occupent donc l'espace d'un court récit. Après quoi, nous n'avons plus nous-même, à notre tour, qu'à plier bagage.»
Divorcé, solitaire, imbibé
A New York, il devient l'ami de Jean Echenoz, qui apprécie son ironie, sa touche, un «dandysme se moquant du dandysme, ce qui est tout de même mieux que le dandysme». Au bord d'une piscine, à Houston, tout en parlant, chacun jette à l'eau naturellement les chaussettes de l'autre. Ils aiment jouer. En France, avec Jean Thibaudeau, Berthet prend le bottin et téléphone au hasard. Un jour : «Bonjour, je voudrais parler à Monsieur Dieu.» Une voix répond : «Monsieur Dieu est mort.» «Nous avons beaucoup ri», se souvient Thibaudeau. Echenoz : «Son ironie était affectueuse, jamais du côté du sarcasme. Il avait une inventivité fantastique dans la facétie, la fantaisie.» Le ton de sa conversation passe dans ses livres.
A son retour des Etats-Unis, Berthet écrit en quelques mois Daimler s'en va . Et ne revient pas : premier roman, dernier roman, fin de la jeunesse. Ensuite, il décide de s'installer dans le Berry pour écrire. Il se marie, boit trop, écrit peu, joue du piano. Sa femme gagne un concours dans un hebdomadaire : avec l'argent, ils achètent une ancienne maison de notaire dans la Creuse, face à l'ex-bordel, à Chambon. Michel Déon, qui l'a invité en Irlande, se souvient de sa passion pour la pêche : «Une fois, il a voulu que je l'amène sur un lac. Il ne cessait de me parler d'un monstre, une sorte de grand dauphin, qui vivait dans la Saône et la ruinait.»
Déon lui rend parfois visite dans le Berry. Ce n'est pas toujours drôle : «Je me suis aperçu qu'il buvait une bouteille de whisky chaque soir. Quand sa femme rentrait de son travail à Guéret, elle le trouvait en mauvais état. Les voisins l'avaient ramené à l'étage.» Mais une fois, tout va bien : «Il revenait d'une cure. Il ne buvait plus. Il était délicieux. On a mangé une pomme, une cuisse de poulet. Il m'a donné à lire le début d'un roman. C'était bien, mais il brûlait tout dès le début. Peut-être y avait-il quelque chose de Jouhandeau ? Cette précision... Mais il avait une pensée très vagabonde, et une incapacité à suivre une ligne définie.»
Jean Echenoz y va également. Berthet vient le chercher. Il possède une Mercedes, une 2 CV. Au matin, ils vont pêcher : «Il avait un attirail incroyablement sophistiqué. La pêche était une chose sérieuse.» Le soir, ils boivent et parlent de littérature. «On écoutait aussi beaucoup de musique classique, avec brusquement des espèces de lubies, de sidération, sur des tubes disco.» A l'étage, Echenoz tourne comme un fantôme, machine à écrire en main. Berthet s'en moque, avec tendresse, dans Paris-Berry .
La Creuse est un échec, le mariage aussi. Divorcé, solitaire, imbibé, Berthet revient à Paris. Il lui reste quelques années à vivre. Il ne publie plus grand-chose. L'autodestruction et l'isolement s'accélèrent. Journal de Trê ve, dernières pages : «Comme, demi-saoul, je poussais doucement du coude une porte de l'appartement, je me suis instantanément imaginé le museau d'un cheval poussant une barrière.»
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